Y a quoi cette fois ? ft. Shinobu

T'as rendez vous. Sur le toit. Vas savoir pourquoi. Peut être pour être seuls. Pour te jeter du haut de l'immeuble pour qu'il soit enfin débarrasser de toi. C'est vrai ta relation avec Nobu n'est pas au top du top. Vous ne passez déjà pas énormément de temps ensemble et le peu de temps que vous vous accordez.. vous le passez à vous embrouiller pour quedal, ou alors pour parler santé. Chouette hein. Alors tu te demande ce qu'il veut cette fois. Cette relation commence à te peser. Pourtant tu semble ressentir quelque chose. Mais quoi ? Qu'est ce que tu peux bien ressentir pour lui ? Est ce que tu l'aime, vraiment ? Tu n'en sais rien. C'est tellement compliqué. T'es là à observer et tu attends qu'il arrive. Il en met tu temps. Tu inspire et te retourne en entendant des pas. Ah quand même. Tu l'observe et esquisse un sourire. « J'ai failli attendre. » Tu glisse tes mains dans les poches de ton jean. « Tu voulais quoi ? » Oui, tu aurai pu commencer par bonjour mais c'est pas dans vos habitudes. Et puis t'es du genre un peu directe, c'est vrai. Un peu trop ? Peut être.

La scène se rejouait derrière l’opaque de mes paupières. Inlassablement je redécouvrais ce visage que l’on m’imposait. J’avais beau le chasser de mon esprit, il revenait et me hantait, un cauchemar qui n’aurait de cesse de me tourmenter que lorsque j’aurais trouvé un moyen d’y mettre fin. Je marchais mollement pour retrouver celle qui avait réveillé le muscle battant endormi pendant trop d’années, serré à l’idée de lui révéler l’odieux marché dont je faisais l’objet. Mais que pouvais-je faire ? La laisser dans l’ignorance ? J’envisageais de me servir de notre relation pour faire pression sur un père aimant dont l’inquiétude l’avait conduit à une décision injuste, mais la contraindre à prendre position alors qu’elle se retrouvait malgré elle dans cette histoire… Non ! J’avais beau clamer haut et fort chacun de mes défauts, appuyer sur ce côté égoïste et irrespectueux, me faire entendre au détriment de sa liberté m’était inconcevable. Je soufflais en arrivant près du bâtiment, expirant toute la frustration et l’agacement qui m’étreignaient chaque fois que je pensais à cette rencontre, poussant le battant pour emprunter les escaliers jusqu’au toit. Une marche après l’autre, j’échauffais mes muscles, et je sentais l’incandescence s’en emparer au même titre que la colère qui menaçait de déborder et me noyer. Respirer, contracter, avancer, à la manière d’un automate en tentant faire le vide dans mes pensées emmêlées. Mais mon cœur pincé me rappelait que la discussion avec Lynn serait loin d’être agréable. Il ne me restait plus que quelques pas, une dernière porte à passer avant d’affronter la réalité, une fois de plus, et à cet instant, j’aurais donné n’importe quoi pour me trouver aux côtés de mon frère. La guerre semblait être une meilleure option que les affaires, et je ne pouvais pas le blâmer d’avoir réussi à échapper à ce monde d’échanges hypocrites. Je serrais le poing sur la poignée avant de la tourner et de découvrir le visage familier de celle qui avait dérobé un cœur malade. Un sourire douloureux déforma mes traits alors qu’elle m’accablait de mon retard, son impétuosité et son tempérament avaient toujours été une bouffée d’air, mais à cet instant, le ton de sa voix sonnait comme un reproche, accablant davantage un esprit torturé. Avait-elle pris conscience de l'abîme que je m’évertuais d'agrandir entre nous, juste pour la protéger ? En réduisant la distance qui nous séparait, je vins encadrer son visage pour déposer un baiser rapide et chaste sur ses pulpeuses. Le visage de Yoon Hee s’imposa une nouvelle fois alors que je la libérais de mon étreinte, me faisant rater un battement. Cette pensée m’acheva, et je la consignais dans un coin de mon esprit, espérant ne jamais être aussi proche de ma fiancée. « Tu ne dis plus bonjour c’est nouveau ? » Je raclai ma gorge, cherchant le meilleur moyen de lui annoncer cette décision qui n’était pas la mienne. « Ai-je vraiment besoin d’une raison pour vouloir te voir ? » Je fuyais lâchement cette annonce qui me consumait, mais garder ce secret était un fléau pire qu’une éternité de torture. « J’ai besoin qu’on parle… de nous. » Soupirai-je. Nous, étrangement, ce mot, cette particule sonnait faux. Mais je préférais l’ignorer, plongeant mes iris dans les siens et cherchant ce réconfort qui saurait m’apaiser.

Il réduit la distance, vient poser un baiser sur tes lèvres. Et tu sens que quelque chose ne va pas. Depuis son message tu le sais. Tu le sens. Vous ne vous voyez pas beaucoup c'est vrai. Mais tu ressens quand quelque chose ne va pas. Quand il un truc important à dire. T'aimerai ne rien voir, être naïve et croire que tout est beau. Mais tu as trop l'impression que cette relation n'est pas faite pour durer, que quelque chose vas vous bloquer. Vous galérer tellement à avancer. Pourtant tu crois ressentir quelque chose. Oui tu crois l'aimer, tu essaie de t'en convaincre. Mais il y a toujours cette petite voix, au fond de toi, qui te rappelle pourquoi tu as déménagé en Corée. Tu ressens un pincement au coeur avant de relever yeux vers lui. Tu ne dis plus bonjour. Tu esquisse un sourire à la suite. Oui. Malheureusement, en ce moment il en a besoin, d'une raison valable pour te voir. Vous ne vous voyez pas beaucoup. Et quand c'est le cas, vous parlez souvent sérieusement, trop souvent même. « Ne fais pas comme si je ne te connaissais pas. » Tu sais qu'il a quelque chose à te dire. Sinon, pourquoi te donner rendez vous ici ? tu l'observe, le laisse prendre son temps. Entends son raclement de gorge, est ce si dur à dire. Qu'il te largue et qu'on en finisse si c'est ça. Il en a marre de sortir avec une gamine peut être. Il a besoin de que vous parliez, de vous. Vous. C'est quoi vous en vérité. Qu'est ce que vous êtes l'un pour l'autre. L'avez vous vraiment su un jour ? Tu ne sais pas vraiment quoi dire alors tu pose ton regard sur lui, il te fuit, tu le vois. Il a rencontré quelqu'un ? Une femme mûre ? Il t'a trompé ? Il ne t'aime plus ? Il est fatigué de vos absence ? « Je t'écoute Nobu.. » Tu lâche un petit rire nerveux. « Mais si c'est pour le larguer fais le directement et ne tourne pas autour du pot, s'il te plaît. » Tu n'as pas envie d'être dans le doute. Qu'il soit clair et direct.

C’était étrange, cette sensation que quelque chose manquait, que le tableau qu’elle représentait était incomplet. Avais-je toujours eu cette sensation ? Ou était-ce seulement le résultat d’un esprit en pleine lutte d’une décision prise à la hâte et qui ne reflétait en aucun cas ce que je désirais ? J’étais happé par des pensées qui abrutissaient l’homme au point d’être un étranger à moi-même. Je le sentais, je le voyais et si je m’en rendais compte, Lynn aussi. L’air était chargé d’une tension presque palpable, de ce que je devais avouer mais qui me coutait cette liberté que j’avais réussi à conserver en bravant ce que mon père m’imposait. En quoi était-ce différent cette fois-ci ? Rien ne laissait présager que ce mariage n’aboutisse, je pouvais faire fi de ma conscience, ne suivre que mes intuitions. Mais comment les suivre si elles aussi restaient muettes ? Mon silence fut un nouveau coup de poignard à ce cœur qui estimait avoir déjà trahit la confiance de Lynn, m’acculant de cet arrangement contre lequel je comptais bien me battre. Et finalement, après une énième expiration, plus brûlante encore que les précédentes et trahissant ma nervosité, j’osais prononcer quelques mots. Des banalités lancées dans le but de retrouver un semblant de courage. Sa réflexion m’arracha un nouveau sourire douloureux, bien sûr qu’elle me connaissait, elle avait appris au détour de nos rencontres à comprendre ce cœur solitaire et affaibli. Néanmoins, elle n’avait pas connaissance de l’héritier avide de liberté, celui qui aurait volontiers abandonné tout ce qui l’entourait pour partir, pour rejoindre un frère sur le front quitte à y laisser la vie. Je chassais ces pensées aussitôt qu’elles traversèrent mon esprit pour me concentrer de nouveau sur la bombe que j’allais lâcher. Raclant cette gorge désespérément sèche, comme si la sensation qu’elle me laissait saurait m’aider. Avant même que je ne puisse entamer cette conversation si douloureuse, elle planta un nouveau poignard. « Pardon ? » Rompre ? L’idée ne m’était pas venue à l’esprit, songeant uniquement à la meilleure manière de lui faire comprendre que je n’étais en aucun cas l’instigateur de la détermination d’un père inquiet. « Non, enfin Lynn… comment en arrives-tu à cette conclusion ? » Mais au fond, avait-elle tort de penser de cette manière ? Les certitudes s’écroulaient, la raison fuyait et la confiance s’effritait pour ne plus laisser que le doute et cette furieuse envie de partir, mais j’affichais une mine presque résolue agrémentée d’une fausse audace qui me permettait de faire illusion. « Ce n’est pas ça dont je voulais te parler. Tu tires des conclusions bien trop vite. » Avait-elle tort ? La question tournait en boucle, m’assaillant alors que ce n’était pas le but premier de notre rendez-vous. Mais je savais aussi qu’après ma révélation, tout serait différent. « Comme tu l’as dit tout à l’heure, tu me connais, tu sais d’où je viens, et même si tu ne les as jamais rencontré, tu sais aussi dans quel environnement je vis, que ce soit la famille ou le boulot, rien n’est jamais facile. » Tu tournes en rond Nobu… Je tentais de repousser l’inévitable en vain. « Mon père est… disons que c’est un homme d’affaire avisé et qu’il prend de lourdes décisions. Je fais l’objet de l’une d’elles, un… » Le mot mourut dans ma gorge avant même qu’il ne caresse ma langue. Frottant la base de mon crâne, le rire nerveux trouva un écho dans celui qu’elle avait échappé plus tôt. Lances-toi Nobu, tu ne peux plus reculer. « … un mariage. » Il glissa sur mes lèvres comme un venin, anéantissant le peu de volonté dont j’essayais de faire preuve. « Lynn, je… » Je quoi ? Que pouvais-je lui dire ? Je t’aime ? Je n’étais même pas sûr de le penser sincèrement, en quoi cette parade serait efficace ? Plongeant mon regard dans le sien, j’espérais qu’elle comprenne que je n’étais en aucun cas à l’origine de ce marché qui ne trouvait pas sa place aujourd’hui.

Tu le regarde, les bras croisé après balancé ce que tu vais à dire. S'il doit en finir, qu'il le fasse vite, clairement et sans belles paroles. Il n'y a rien de beau à rompre avec quelqu'un. Et tu sens déjà ton coeur se serrer à sa réaction. Alors ce n'était pas ça. Pourtant vu son malaise ça en avait presque l'air. Tu inspires et alors qu'il te demande comment tu en es arrivé à cette conclusion tu te contente de hausser les épaules. Une intuition ? Un sale sensation ? Une douleur persistante ? Un doute ? Tu ne sais pas trop à vrai. Tu ne sais même pas ce que ça te ferait qu'il te largue. Peut être que tu serais triste, blessée aussi ? Tu ne sais pas. Tu ne sais plus. Tu n'arrives plus à penser clairement. Ce n'est pas de ça dont il voulait parler. Tu perds patience. Tu inspires et lui coupe presque la fin de sa phrase. « Alors c'est quoi ? » Oui, tu as peut être été un peu sèche, c'est vrai. Mais tu n'aime pas cette situation. Ce rendez vous bien trop étrange. Inhabituel. Tu fais de ton mieux pour garder ton calme, pour ne pas péter un plomb. D'autant que la lune est assez haute en ce moment, ça joue sur ton moral, sur ton humeur, et il le sait surement. Mais peut importe. Il se lance alors dans une explication qui te semble.. absurde. Pourquoi est ce qu'il te parle de lui, de sa situation familiale. Qu'est ce qu'il se passe en vérité. Tu inspires et te retiens de lui couper la parole. Il tourne autour du pot. Exactement ce que tu lui as demandé de ne pas faire. Alors qu'il s'arrête, qu'il ne fini pas sa phrase tu souffle un peu. « Accouche. » Tu n'as plus envie d'attendre. Il faut que tu sache ce qui le rend si nerveux. Peut être que tu pourrais te montrer un peu plus douce c'est vrai, mais tu n'y arrive pas. Parce que tu sens que ce n'est pas une bonne nouvelle. Pas du tout même. Et tu ne peux retenir cette grimace qui déforme tes lèvres à l'annonce de ce mot. Mariage. Un mariage ? Son veut père qu'il se marie? Avec qui ? Avec toi ? Tu es sur qu'il n'en a même pas parler à ses parents de votre relation, tu ne dois pas être assez bien, une pauvre petit gamine qui s'est barré de sa petite île pour débarquer ici. Aucun intérêt pour une famille comme celle de Shinobu. Tu ne sais pas quoi penser. Tu inspire alors. « Pas avec moi j'imagine.. » Ce serait bien trop simple. quoique tu n'es absolument pas prête à te marier. Tu ne sais même pas si votre relation tiendrais encore le coup, et puis tu as encore trop de choses à découvrir, à vivre, avant de penser à ça. Un nouveau soupire et tu baisse les yeux. Contenant ta tristesse, le fait que tu sois blessée. Bien qu'il n'y sois plus rien dans l'histoire. Ou du moins de ce qu'il va te dire. Il pourrait refuser, quand on veut on peut non ? Tu lèves à nouveau le regard sur lui. « Qu'est ce que tu veux que je te dise... félicitation, peut être.. c'est ça qu'on dit en général non ? » Peut être que tu es un peu dure avec lui. Peut être qu'il aura moins de mal à accepter sa nouvelle fiancée, à t'oublier. Même si au fond de toi tu n'as qu'un envie, hurler et laisser couler les larmes. Mais non, tu tiens à rester forte, à garder ton calme, inutile de s'énerver, ça ne changera rien, n'est ce pas ?