☼ past (joohon)

L'orphelinat. Il quittera jamais l'esprit de Jaehwa. Tous les jours, il y pensait ; tous les jours, il passait voir madame Oh - une petite dame, maintenant bien vieille, qui s'était occupé de lui, toute sa vie. Une mère, un peu - et au fond, ça lui manquait. Il était heureux d'être parti ; parce qu'il était toujours le plus vieux, toujours le plus détesté de certains et, il avait un mal fou à se faire à la vie en communauté. Mais ici, à Haneul, y'avait un truc qui manquait. Une ambiance, un esprit, esprit qu'il ne trouvait que là-bas, qu'à l'orphelinat. Tous les jours, c'était la même routine. Il se levait, difficilement, et il s'habillait, pour filer en cours. Des cours longs et pénibles, qu'il ne s'empêchait pas d'adorer. Des fois, quand il pouvait, en fin de journée, il se glissait entre quelques bus et il déposait des petites choses, à l'orphelinat.

Dix heures. Premier cours de la journée ; et il n'est qu'à deux mètres de la grille, la main sur ses lèvres, endormi. Il est sorti - pour déjeuner à l'extérieur, puisqu'il manquait incroyablement de.. tout. Ses yeux se baladant sur les quelques étudiants qui fumaient, attendaient, parlaient, il voit une silhouette. Grande. Géante. Fine, svelte. Sensation de déjà vue, il n'y prête pas attention, avance, avance, avance - plus il avance, plus il voit un visage se dessiner, plus il voit un nez, des lèvres pleines, des yeux en amande, des cheveux bruns, des oreilles décollées..

Joohon.

Joohon. C'était Joohon. Il en était certain. Suspendu à ce visage, la bouche ouverte, bée, éhontée, il s'avance, comme dans un rêve, comme dans un mirage, le bras tendu, le doigt levé, comme Adam qui cherche Eve. Son coeur bat, comme jamais auparavant ; ses joues rougissent, comme jamais auparavant, et il n'y croit pas ses yeux, non, il n'y croit pas du tout, alors qu'il mange l'espace, qu'il finit face à lui. Il sait qu'il a l'air d'un fou, et son corps, il l'a oublié ; Joohon est là. « Joohon.. » Il a les larmes aux yeux, un sourire commence à apparaître et il pleure, il pleure - c'est l'émotion. C'est Joohon. « Joohon, c'est toi, hein ? Ca peut être que toi. Joohon, j'ai cru qu'on.. qu'on se reverrait plus jamais.. »

C’était agréable de faire partie d’un groupe. De ne plus être le vilain petit canard. Je m’étais intégré facilement. Je n’avais jamais eu de problème pour me faire des amis. Je détestais la solitude. J’avais été habitué à l’orphelinat. J’avais besoin de parler et surtout de rire. C’était vital. Les cours ne m’intéressaient pas forcément, mais c’était l’occasion de déconner un peu avec mes camarades de classe. Et surtout je devais cartonner si je ne voulais pas que mon père me foute un coup de pied au cul. J’avais peut-être vingt ans, mais il me considérait toujours comme un enfant. J’aimais ça.

Je n’étais pourtant pas très matinal, mais j’étais toujours de bonne humeur. Je me baladais dans les couloirs à la recherche d’une connerie à faire, mais rien ne me ventait pour le moment. Je me sentais un peu frustré. J’en profitais pour déposer mes affaires dans mon casier. J’avais le temps, il me restait quelques heures avant mon prochain cours. Je sortais pour prendre un peu l’air. J’avais parfois besoin de respirer. Besoin de me rappeler, qu’aujourd’hui j’étais heureux. Que le passé était derrière moi.

En fait, il ne l’était pas. Mon passé se tenait juste devant moi. Je croyais avoir une hallucination jusqu’à ce que je l’entende prononcer mon nom. Ça ne pouvait être que lui. Je reconnaissais chacun des traits de son visage. Il avait changé et pourtant il était resté le même. Jaehwa. Sa beauté me faisait l’effet d’un coup de fusil en plein cœur.

Je n’étais pas préparé à tomber sur lui. D’un seul coup. Je m’étais imaginé le retrouvé après avoir mené ma petite enquête, le surprendre. C’était trop tard. Je restais comme un idiot sans bouger, la bouche ouverte. Je commençais à bégayer.

« Jaehwa ? Qu’est ce que … »

Voir ses yeux rougis par les larmes me brisait le cœur. C’était peut-être des larmes de joie, mais je n’avais jamais supporter de le voir pleurer. Je passais ma main dans son dos et le tirait contre moi. J’avais besoin de le sentir, de retrouver son odeur, en particulier celle de son shampooing. 

« C’est moi. Je suis là. Je partirai pas. Je t’ai cherché tellement longtemps Jae. Si tu savais »

Il m’avait manqué à en crever et je m’en rendais compte maintenant que je l’avais retrouvé. Je n’arrivais pas à respirer sans lui. Je n’arrivais pas à la lâcher. Je m’agrippais à lui comme à une bouée de sauvetage. Je me foutais des regards autour de nous, je me foutais de tout.

« Je suis désolé. Je suis tellement désolé. »

Je n’étais qu’un gamin. Je n’avais rien pu faire pour le retrouver.

Et il était heureux. Il était heureux comme jamais. Il chialait, il se blottissait contre lui mais il était heureux. Euphorie pure ; dix ans, plus même, qu'il attend un signe de vie de Joohon. Tellement de questions, aussi ; il est bien bâti, il est grand, il est beau, il est bien habillé - il a l'air d'être tombé sur une bonne famille. Puis il avait tellement de question. Jae voulait tout savoir ; de son insertion dans sa nouvelle famille, à ses relations avec, ce qu'il faisait, pourquoi il était là, comme ça, ici, à Haneul - comme si le hasard voulait qu'ils se revoient.

Pour l'instant, il se contentait de cacher son visage contre son torse, bien heureux que son ami ait autant grandi. Il ne disait rien ; il se contentait de le serrer contre lui, de caresser son dos, attraper ses habits. Son odeur a changé - elle est plus musquée, plus assurée, et son instinct lui dit que le petit garçon de huit ans qu'il a connu a, si ce n'est pas totalement, partiellement changé. Sans l'attrister, Jae reste curieux ; et il recule, doucement, il essaye de se défaire de l'étreinte de son ami, pour renifler, non sans grogner quand il entend quelques murmures - et des rires, face à leurs.. retrouvailles, disons, émouvantes. Le coréen sourit, alors, tout bonnement heureux, pour se hisser sur la pointe de ses pieds. Mains dans les cheveux ébènes de l'autre, il les ébouriffe en ajoutant ; « Pourquoi tu t'excuses ? »

Un petit rire, soufflé, il tapote la joue du géant, avant de le laisser respirer. Il remet son sac convenablement sur son dos, souffle, se recoiffe d'une main rapide, pour continuer de déblatérer, ses yeux toujours humides - c'est qu'il passe par beaucoup de sentiments, là. « Tu as cours ? Moi oui. Mais, je pense que tu vaux la peine de ne pas y aller. Je veux absolument tout savoir sur ta famille
! Et sur ce que tu fais là. Viens, y'a une fontaine pas loin. » Donc des bancs. Il sourit, encore, attrape le poignet de l'autre ex-orphelin, pour le traîner à sa suite. Une fois face à la fontaine, son derrière finit posé sur un banc, et le voilà, des étoiles dans les yeux et l'air le plus admiratif au monde, prêt à boire les paroles de son ami.

C’était comme un tsunami en pleine gueule. C’était lui. Il avait été le centre de mon monde durant ces cinq ans. Il m’avait permis de prendre confiance en moi et de devenir un mec bien. Je n’étais pas parfait, mais j’estimais que je n’étais pas devenu un petit connard prétentieux ou un accro à la coke agressif.

La vie nous avait séparés et je ne savais absolument plus rien de lui. J’avais eu la chance de trouver une bonne famille. Et lui ? Lui qui le méritait bien plus que moi. Avec lui, j’avais enfin l’impression d’être entier. Je ne ressentais plus ce vide qui me bouffait chaque jour de plus en plus. Pourquoi je m’excusais ? Je m’excusais parce que je n’avais pas réussi à le retrouver avant.

« Je suis désolé, parce que je t’ai cherché tout ce temps sans te trouver. »

J’avais besoin de sa présence pour me sentir bien, pour me sentir moi. Malgré les années, mes sentiments pour lui restaient les mêmes. Il n’y avait aucune gêne, pas de longs silences. C’était comme si, il avait toujours été à mes côtés. Son sourire, ses mains dans mes cheveux. D’un seul coup je redevenais le gosse de trois ans, dépendant de son ami. Incapable de vivre seul. Tous mes souvenirs me revenaient en pleine face et mon cœur se serrait dace à ce flot de sentiments.

« Non j’ai pas cours, j’ai quelques heures devant moi. T’es sûr, je veux pas que tu loupe des trucs à cause de moi. »

Je ne pouvais m’empêcher de sourire. Il m’avait tellement manqué que c’était jouissif de l’avoir retrouvé. Je me laissais entrainer jusqu’au banc. Peu importe où il m’emmenait, tant qu’il restait avec moi. Je m’asseyais à côté de lui, sans trop savoir ce que je devais faire avec mes mains. J’avais envie de le toucher, de le sentir près de moi, mais je ne voulais pas avoir l’air trop collant non plus.

« Ma famille. Ce sont des gens vraiment bien tu sais. Ils ont pris soin de moi. Vraiment. Beaucoup mieux  que mes parents biologiques. Je pourrais te les présenter un jour si tu veux. »

Je ne précisais pas que j’étais aujourd’hui blindé de thune, un vrai gosse de riche. Pour moi ce n’était pas un détail important. Je ne voulais pas trop étaler mon bonheur, ne sachant pas ce que lui avait vécu.

«  Et toi, racontes moi. Comment ça s’est passé après mon départ ? »

J’avais besoin de savoir. De connaître ses joies et ses peines.

« Tu m'as cherché ? » Son coeur. Son coeur était en train de danser des danses heureuses - il l'avait cherché. Il ne l'avait pas oublié. Jaehwan pensait qu'il était le seul ; qu'il était le seul à s'être inquiété, à avoir regardé dans quelques journaux, en quête de, qui sait, un Heo Joohon. Joohon l'avait cherché. Il avait le sourire idiot, les yeux admiratifs et l'air ailleurs. Il l'écoutait tout de même, hein - il était passionné par ce qu'il lui disait. « Avec plaisir, Joohon. Je suis vraiment curieux de comment ils sont ! » Surtout de son enfance. De ceux qu'il a pu connaître, des amis qu'il s'est fait - des petites-amies, peut-être, qui sait. Mais aussi du comportement de sa mère ; et il imaginait les parents adoptifs de son ami tendres, adorables et conciliants. D'un côté, il l'enviait ; mais surtout, il était heureux pour lui.

Il souriait, cet air idiot ne quittant pas ses lèvres, il réfléchit à ce qu'il pourrait lui répondre - peut-être lui raconter toute sa vie ? Non, quand même pas. Ils avaient du temps, mais il voulait laisser de la conversation. Parler avec lui autour d'un verre, après les cours ; il savait que ça le détendrait. Et.. Il voyait un vieil homme, filer dans un buisson - après avoir écrit il ne sait quoi. Ok, d'accord. Secouant sa tête, Jaehwa revient à la cause principale de son bonheur ; Joohon. « Bien.. Il s'est passé beaucoup de choses, tu sais ? » Un coup de fesses vers Johoon. Il est tactile - juste avec lui. Il tapote l'arrière du crâne du plus vieux, pour continuer ; « J'ai été adopté à mes treize ans. C'était catastrophique. J'ai rapidement retrouvé l'orphelinat et.. Ouais. Les garçons sont toujours aussi cons et se sont toujours foutus de ma gueule. Et.. voilà. » Haussement d'épaules ; il souffle, étend ses jambes et fixe le ciel, pensif. Il ne sait pas exactement quoi dire, en réalité. Trop. Trop, il y avait pensé trop souvent. Aux retrouvailles, à ce qu'il pourrait lui dire, comment il pourrait exprimer son bonheur. Et là, il y était. Joohon était à côté de lui. Grand, beau, bien. « Mais tu m'intéresses ! Je veux savoir ce qu'il s'est passé. Raconte-moooi, Joo. Je sacrifie une heure de cours pour toi, tu te rends compte ? C'est précieux, donc profite-en. » C'est qu'il lui fait un caprice, en plus.

Il avait douté. Il avait douté de moi. Malgré tout ce qui s’était passé dans ma vie, je n’avais jamais cessé de penser à lui, à nous. Il avait été ma famille durant plusieurs années, ma seule et unique famille. J’avais trop de choses à lui raconter. Tellement que tout se mélangeait dans ma tête. J’avais vécu des belles choses et j’aurai aimé les partager avec lui à chaque fois. J’étais aimé, mais je me sentais seul sans lui. Mes parents allaient l’adorer. J’en étais sûr.

J’apercevais un homme du coin de l’œil se jeter dans les buissons puis je haussais les épaules. Il y avait des gens un peu bizarres partout. J’étais bien trop oublié par Jaehwa pour faire attention à autre chose. J’espérais qu’il avait eu le droit au bonheur lui aussi. Je le laissais faire, je m’étais toujours laissé faire. Son contact me rassurait et à chaque fois qu’il était près de moi. Je me sentais protégé.

Je souriais à l’entente de son adoption. Mais je déchantais rapidement. Catastrophique ? Comment ça ? Comment ne pouvait-on pas l’aimer ? Je me sentais mal. Je me sentais coupable. Je n’aurai jamais dû le laisser. J’aurai dû rester avec lui. J’attrapais instinctivement sa main pour la serrer dans la mienne.

« Mais… Qu’est ce qui s’est passé ? Enfin, je comprends pas. Qui ne voudrais pas te garder Jae ? »

J’avais du mal à passer au-dessus de ça. Il voulait que je lui raconte ma vie qui ressemblais à un conte de fée. C’était compliqué. Je n’étais pas le genre à exposé mon bonheur, à l’envoyer en pleine gueule. Je soupirais. Il voulait vraiment savoir. Je lui devais bien ça. Je serrais sa main un peu plus fort.

« Une heure, ça ne sera pas suffisant. Tu devras sortir avec moi ou trainer dans ma chambre si tu veux vraiment tout savoir. »

Je levais la tête vers le ciel pour essayer de mettre en ordre toutes mes pensées. Je ne savais pas par où commencer.

« Ma mère ne travaillait pas, alors elle restait à la maison avec moi, elle venait me chercher à l’école. J’étais dans une école privé. C’était bizarre, je n’aimais pas trop ça. Mon père possède une entreprise. J’ai beaucoup d’argent. »

Je grimaçais à la suite de cette phrase. Je n’étais pas fier. Je me sentais trop privilégié.

« Je me suis fais quelques amis, mais c’était pas comme avec toi. Et je suis sortis avec quelques filles mais ça n’a jamais vraiment marché. »

Elles n’étaient pas toi non plus. Je me surpris à penser ce genre de chose. Ça devait être du au choc de nos retrouvailles. Je n’avais pas non plus envie de lui dire que j’étais fiancé.

« Et toi ? tu t’es bien intégré ici ? »

Est-ce qu’il avait de nouveaux amis, une fille dans sa vie ? Je me sentais curieux à mon tour.

Jaehwa gardait un sourire plus qu'immense aux lèvres - il ne se remettait pas de cette rencontre et, il n'allait pas s'en remettre avant un très, très long moment. Joohon était là, devant lui ; et il n'arrivait pas à y croire. S'il n'était pas aussi pudique, aussi gêné, l'asiatique tendrait son bras pour l'effleurer, vérifierait qu'il s'agissait bien de lui, Joohon, son seul et meilleur ami d'enfance, celui qu'il avait cherché tous les jours à l'orphelinat, jusqu'à comprendre qu'il ne reviendrait plus. Alors Jae l'écoutait, comme une mélodie - il tendait l'oreille.

« Je passais ma vie à être ingrat, méchant, à fuir.. j'avais pas envie de rester. Si je devais être adopté, c'était avec toi. »

Sincère et honnête ; Jaehwa ne voulait pas atterrir dans un foyer qu'il ne connaissait pas. Il lui fallait un point d'ancrage pour être à l'aise - et son ancre, c'était Joohon. Il hausse les épaules à la remarque de son ami d'enfance, se dit qu'ils aviseront bien, et que s'il reste des choses à dire, ils se reverront, incontestablement. De même, il écoute toujours aussi assidûment le récit de sa vie ; on ne lui avait jamais dit qui l'avait adopté, mais vu l'air serein des gérantes, Jaehwa s'était toujours dit que l'autre garçon était tombé sur la perle rare.

« Petit veinard, va. »

Il le taquine, tapote son épaule, avant d'hausser un sourcil à sa question.

« Bah.. J'ai pas vraiment eu beaucoup d'amis.. Au lycée, c'était pas non plus l'ambiance. A la fac, je me suis fait quelques amis, ouais.. »

Il réfléchit aussi vite qu'il peut - il n'a pas envie de le faire attendre dix ans pour lui raconter des histoires stupides. Il n'avait vraiment pas eu de grandes aventures - une copine qui lui a un peu amoché le coeur, des coups de coeur pour certaines personnes, et une addiction naissante pour un de ses camarades.

« Je suis sorti avec une fille. C'était nul. Sinon, j'ai eu le béguin pour quelques personnes.. Mais rien de très précis. Tu sais, j'ai jamais été un romantique. »

Malgré tout, quand il était gosse, Jaehwa l'adorait - et il avait pensé, souvent, trop souvent, qu'il était amoureux de Joohon. Mais avec le temps, ça s'était calmé - il s'était dit que plus jamais, non, plus jamais il ne le reverrait.

« Mais du coup, t'étudies quoi ici ? Enfin, tu vas hériter de l'entreprise de ton père.. je suppose ? »

Je me disais que c’était de ma faute. Je ne pouvais pas être responsable de tous les malheurs, mais je prenais ceux de Jaehwa comme les miens. Ça avait toujours été mon plus gros problème. Faire passer les autres avant moi. Lui en particulier. Si j’étais resté peut-être qu’une famille nous aurait emmené tous les deux. Peut-être qu’on aurait continué à grandir ensemble, et peut être que je ne me serai pas retrouvé fiancé pour le bien d’une entreprise qui n’était pas la mienne. Jamais toi sans moi. Jamais moi sans toi.

« Je suis vraiment désolé. On aurait dû rester ensemble. Ça me tue de savoir que t’as pas eu le droit à tout ce que j’ai eu. Je voulais le partager avec toi. Je voulais continuer d’être ta famille. »

J’avais huit ans. Qu’est-ce que je pouvais faire, ou dire ? Absolument rien. Alors j’avais suivi ce couple, en laissant une partie de moi à l’orphelinat. Je ne regrettais pas mon adoption, bien sûr que non, mais je regrettais de ne pas avoir pu garder le contact. Il avait été seul la plupart du temps ? J’avais aimé le lycée. Je faisais des conneries, mais avec des gosses de riches, alors nos bêtises coutaient plutôt cher. J’avais vraiment passés de bons moments et je culpabilisais de ne pas les avoir passé avec lui.

Quelques personnes ? Pas de grand amour en vue alors. C’était rassurant, je ne savais pas pourquoi. Je savais qu’il n’avait jamais été un prince charmant. Mais moi non plus. Les relations ce n’étaient pas trop mon truc, je n’étais pas doué pour ça.

« On a jamais vraiment été des experts en ce qui consiste les relations. »

Je lui souriais. J’avais presque l’impression de rêver. Il était là. Avec moi. Après tout ce temps. Et s’il ne voulait plus de moi comme ami ? S’il avait changé ? Je venais de le retrouver, je ne pouvais pas le perdre à nouveau.

« Oui j’étudie tout ce qui est commerce et relations internationales. Je suis déjà bilingue, c’est la classe. Oui je vais devoir hériter. C’était pas forcément mon rêve. »

Je haussais les épaules. Mon père le voulait, alors je lui devais bien ça. Je n’étais pas d’accord pour le mariage arrangé, mais je ne pouvais pas dire non. Mes parents comptaient sur moi.

« Je suis fiancé. »

Bon c’était sorti tout seul, mais j’avais besoin d’en parler à quelqu’un avant de craquer.

«  C'est pas de ta faute, Joohon. »

Ce n'est pas comme s'il s'était rendu dans la maison de ses futurs parents, pour quémander une adoption express - et ce serait bien idiot de la part de Jaehwa que de lui en vouloir. Il était, certes hypersensible, très attristé par le départ rapide et soudain de son meilleur ami, mais il s'en était remis - ça lui avait pris du temps, beaucoup de temps. C'était un bien pour un mal ; Joohon était heureux et, c'est tout ce qui comptait pour Jaehwa.

« C'est vrai. Et encore moins en amitié, pour ma part.. »

Il rigole, il ricane et il s'amuse de lui-même, de son incapacité à tenir une amitié - ou même à en avoir une. Joohon était une des exceptions ; Jaehwa était incroyablement proche de lui, et il l'appréciait tel qu'il est.

Hochant la tête, l'asiatique note les études de son ami - il ne l'imaginait pas prendre une voix pareille, mais il était presque sûr que c'était pour aller de paire avec l'héritage que lui imposait, apparemment, son père. Il était admiratif, en quelque sorte ; alors que lui galérait pour boucler les fins de mois, Joohon disposait de revenus plus que nécessaire. Mais son sourire se fane, laisse place à une moue étonnée ; il est fiancé ? Lui ? Joohon ? Mais il avait à peine vingt ans - si ses souvenirs sont bons.

« Fiancé ? Toi ? »

Il ne cache pas sa surprise, non, et il continue, redressé, droit, penché sur son ami.

« Avec qui ? Depuis quand ? Et vous allez vous marier quand ? Tu l'aimes ? »