social whore

tenue ☼ L'amitié n'est, pourtant pas, un facteur capital d'intégration sociale et de bonheur - c'est ce qu'on s'entêtait à dire. Se sentir seul(e) n'est pas, fondamentalement, mal - c'est là qu'on se découvre, paradoxalement, puisque c'est là qu'on se complaît. Pourtant, Sojra ne supportait pas la solitude. Quand d'autres en raffolent, elle, en devient folle. Besoin irrépressible d'être entourée ; elle en est allée jusqu'à payer quelqu'un. Payer, oui oui. Enfin, elle ne lui avait pas encore donné l'argent mais, on lui avait parlé de quelqu'un, un mec, qui faisait bien des choses contre de l'argent. Donc, ouais, naturellement, elle l'avait contacté, avec un à l'entrée de l'uni - pas d'instructions, elle attendait juste sa venue. Et ses mains coincées entre elles, Sojra regarde, à gauche, à droite, cherche, pense que c'est lui et, finalement, non - avant de voir un type plus ou moins ressemblant à la description qu'on lui avait donné. Dans le doute, et parce qu'elle n'est pas gênée pour un rien, elle agite ses deux bras, sourit, candide, pour venir jusqu'à lui - prions, tout de même, pour qu'elle n'accoste pas un total inconnu. « C'est moi, Sojra. T'es dispo jusqu'à quand ? »

tenue ☼ Vie à crédit, l'expression pour résumer ta vie, ta vie financière. Tu t’endettes, tu t'entêtes. Le dos contre le mur d'un couloir, tu regardes les étudiants en première année de psychologie, une idée derrière la tête. Il y a une tête que tu dois retrouver. Un gamin qui ne sera jamais psychologue. Un gosse qui ne sait pas ce qu'il fait là. Qui n'a pas le choix. On a toujours le choix. Le courage c'est une autre histoire. Et cette histoire, son histoire ne t'intéresse pas. Tout ce qui t'intéresse c'est qu'il est prêt à beaucoup te payer pour faire les sujets à rendre à sa place. Là. Il est juste là. Tu attrapes le coréen par le bras et le plaque contre le mur. L'argent de papa et maman d'abord. Il paye. Les copies dans son sac, tu pars sans un mot. Juste un signe, ta main qui forme un téléphone, il sait où te trouver. Tu comptes tes billets. Billets dans la poche direction l'entrée de l'université. Tu n'en sais pas plus, pas de problème. Tu y es et il y a du passages. Un coup d’œil vers les étudiants qui attendent, attendent que le futur viennent à eux. Une jeune femme au doux sourire agite ses bras et s'avance vers toi. Tes yeux se posent sur elle, elle qu'ils détaillent, elle que ton regard voit pour la première fois. « Dân, mais peut être que tu le savais déjà. » Sourire aussi. « Jusqu'à ce que tu ne veuille plus de moi Sojra. » Que tu dis sur le ton de la plaisanterie avec un fond de vérité.

tenue ☼ Les mots du dit Dân la font rire, rire d'un rire de cristal - un rire doux, comme une sucrerie. Sojra le trouve déjà amusant - bien qu'elle ne soit pas un public difficile et, qu'en une phrase, elle s'est vue très rapidement séduite plus d'une fois. N'en faisant pas une formalité, sa longue main s'agite, comme pour lui dire assez - même si le pauvre n'a encore rien dit. Elle réagit peut-être (souvent) trop, Sojra, mais on lui en veut pas - au fond, ça lui fait un certain charme. Celui de la femme complaisante, qui sourit à tout le monde, qui rit quand on lui fait signe de rire - et peut-être, peut-être, hein, tout ça, ce n'est que pure intelligence et manipulation mais.. Jamais. « Tu prends combien ? » Incroyable et étrange sensation de le prendre pour un proxénète, elle tapote, amicale et surtout européenne, son épaule - elle sait, elle sait franchement que les asiatiques ne sont pas à l'aise avec les contacts physiques. Mais bon dieu qu'elle a le mal du pays, et qu'elle s'en fout. « Ah ! J'suis bête, je t'ai pas dit ce que je voulais. » Hop, son petit bras s'enroule autour des épaules du garçon, et elle le colle contre elle, toujours (un peu trop) amicale. « Je suis norvégienne, et, ouais, tu t'en fous, mais en gros, je me sens super seule. » Un sourire. « Tu veux bien me tenir compagnie ? Promis, si m'entendre parler te gonfle, je peux juste te payer un café, à manger, ce que tu veux. Prends ça comme un supplément, je paierai le prix. » Clin d'oeil.

tenue ☼ A coups de pressentiments tu ne te trompes que rarement sur les gens. Bon public, bonne impression, tu sens que tu ne va t'ennuyer un instant. Tu l'observe rire, son attitude t'amuse. Sans perdre de temps, elle te demande combien tu prends. C'est une bonne question, question que tu t'es habitué à entendre comme une simple banalité. Comme un bonjour, comme un merci, quelle belle météo aujourd'hui. Et à vrai dire, la somme que tu prendras tu ne la connais jamais à l'avance. C'est selon tes envies, tes besoins et surtout de ton avis sur la personne qui paye. Tu n'as pas honte de dire que tu fixes tes prix à la tête du client. Avant que tu ne puisses répondre elle t'annonce le comment du pourquoi. Pourquoi tu es là. Elle est tactile là, coller contre toi. Cela ne te choque pas, cela ne te déplaît pas. Pourquoi pas. Un sourire en réponse à son sourire. Elle est la première à demander de la compagnie, de la compagnie pour un peu moins de solitude, de la compagnie sans profit. Sans égoïsme et narcissisme comme dans quatre vingt dix neuf pour cent des cas. « On aura tout le temps de parler argent plus tard, en attendant tu veux bien me parler de la Norvège ? »  Tu deviens soudainement curieux, toi qui n'as que très peu quitté ton Vietnam natal. Et par la même occasion tu montres ton acceptation. Ton bras passe dans son dos comme pour ouvrir la marche. Tu continues. « Alors belle norvégienne que j'ai envie d'entendre parler, pour l'instant. C'est à toi de choisir ce que tu veux, où va t-on ? » Que tu dis, toujours avec ce petit ton charmeur et blagueur qui te colle à la peau.

tenue ☼ A croire qu'elle avait une bonne intuition, Sojra, quand elle demandait de l'aide à quelqu'un - parce qu'en dix neuf ans de vie, rien, ô rien ne lui était arrivé. Et pour preuve, le mec qui va lui tenir compagnie a l'air d'être autant sympathique qu'elle - et ça lui fait déjà plaisir, à la petite norvégienne. Et il lui parle déjà de la Norvège - donc forcément elle sourit, elle sourit comme l'idiote heureuse qu'elle est quand on lui parle de son pays natal. « C'est beau. C'est très beau.
Les filles sont très jolies, les gens sympathiques et.; c'est beau. c'est tout ce qu'elle retient de son pays adoré - elle lui envoie un sourire, qu'elle essaye communicatif. Puis il la dit belle, donc forcément, Sojra sourit encore plus, se frotte un peu plus à son bras dans un petit rire approbateur - elle n'est pas non plus enjôleuse mais, ça l'amuse. Alors, sans un mot, sans une indication, elle le traîne jusqu'à un café, pas trop loin, juste en face de l'université, même, et elle s'y installe, ses fesses posées sur une chaise à l'extérieur. Un serveur circule, et, en attendant qu'il arrive, elle invite le Dân à s'installer face à elle. « Tu viens d'où, toi ? » Elle essaye d'engager la conversation - de le lancer, de l'occuper, de se captiver.