i need you + yang evan

Shanina n'apprenait le coréen que depuis une année. Elle avait beaucoup avancé, beaucoup progressé... Mais pas suffisant pour tout comprendre. Il y avait encore un tas de mots qu'elle ne reconnaissait pas, et il était donc courant qu'elle se perde. Encore plus lorsqu'il faisait nuit noir, qu'elle n'arrivait pas à lire correctement tous les panneaux, que son portable refusait de se connecter à une application capable de lui montrer son chemin et... C'était l'enfer. Ca tournait à l'enfer. Si elle avait été à New York, rien de ce qui se passait là ne lui serait arrivée. Traînant des pieds, regardant le sol, elle pensait à sa mère, à ses amis, à ses voisins, à sa vie qu'elle avait laissé là-bas et... A ce qu'ils devaient être en train de faire, là, en ce moment. Peut-être un repas de quartier, ou une petite fête. Il y avait toujours quelqu'un qui fêtait quelque chose. Sûrement qu'ils étaient ensemble... Mais elle n'avait pas la chance de faire partie du lot désormais. Parce qu'elle était loin. Bien trop loin.
Et elle se sentait seule. Après une énième dispute avec le père, elle avait attendu qu'il ait le dos tourné pour rapidement ranger ses affaires dans un sac et partir en courant par la porte arrière. Le père. Il n'avait jamais été là pour elle, et maintenant il voulait contrôler sa vie ? Plutôt en rêve. Ne sachant vers qui se tourner, elle finit par appeler Evan. Il était son plus proche ami. … Plus qu'un ami, en fait. Bien plus qu'un ami. Elle n'avait plus que lui. Après lui avoir envoyé quelques sms, elle finit par lui indiquer l'endroit où elle se trouvait. Une petite rue un peu vide, de Gangnam. Assise, sur les marches d'un immeuble, cramponnée à son sac, elle attendait, alors que les fêtards, les bandes de potes et les couples passaient devant elle sans s'arrêter.

La chaleur d’une nuit d’été le faisait fondre à vu d’œil. Même la climatisation fournie chez les dogsuli ne parvenait pas réellement à le rafraîchir. Il était seul, assis confortablement dans un canapé de velours rouge surplombé par des dorures chics et distinguées. Le luxe, il n’y a rien de mieux. Avec le magazine mondain de la capitale de son pays sous les yeux, il observait attentivement les gros titres taïwanais qui spéculait sur les véritables relations entretenues au sein de sa famille. Enfin, sa "famille", si on pouvait appeler ça ainsi. La seconde page, toujours aussi scandaleuse, le mit mal à l’aise. En effet, elle n’avait nul autre sujet que la santé fragile de sa sœur. Il ne pouvait rien faire pour elle. Il n’avait aucun moyen de la contacter, puisque sa "famille" l’avait assignée à un psychologue privé totalement inconnu. En repensant à sa petite sœur, il se sentit nostalgique de son enfance passée avec elle et avec sa défunte mère.

Plongé dans ses souvenirs lointains, il ne s’attendait pas à recevoir un SMS de Shanina. Elle semblait avoir des soucis. Il paniqua un peu sur le coup. C’était un instinctif, s’il lui arrivait quoi que ce soit, il sentirait ses nerfs gonfler à bloc. Il n’était rassuré de la savoir en danger parce qu’il était soucieux. Après avoir répondu à son texto, il sortit immédiatement du bâtiment de sa fraternité pour se diriger rapidement vers sa position. Elle se trouvait à Gangnam, un quartier riche de la ville. Il lui avait dit de se cacher quelque part jusqu’à ce qu’il arrive, question de sécurité. En passant à toute vitesse à côté des gens, il en bouscula quelques-uns et ne prit même pas la peine de s’excuser. « Pas le temps » se dit-il dans sa tête.
Il faisait chaud dehors. Si chaud que même en marche rapide, il se sentait dégouliner. Il observa tour à tour les panneaux indiquant les noms de rues jusqu’à trouver la dite rue en question où Shanina s’était planquée. Il s’engouffra d’abord dans une ruelle sombre et limpide puis, au bout, remarqua une fine silhouette recroquevillée sur elle-même sur les marches d’un escalier. Plus il se rapprochait, plus la silhouette se confirmait être celle qu’il était venu secourir. « ‘Nina ? » Il se pencha vers elle et dégagea les cheveux collé à son visage. « ça va, t’as rien ? » Il lui tendit la main pour l’aider à se lever afin de partir aussi vite que possible de cette ruelle encombrante. « viens, faut pas rester ici. »

Elle s'était totalement enfermée dans sa petite bulle. Recroquevillée sur elle-même, mal à l'aise, un peu inquiète aussi puis... Surtout déprimée. Elle avait l'impression que tout le monde avait quelqu'un, mis à part elle. Et elle se sentait seule. Horriblement seule. Jusqu'à ce qu'Evan arrive. S'il était venu à sa recherche, c'est qu'elle devait compter pour lui... Non ? C'est qu'elle comptait pour lui. C'est qu'elle comptait pour quelqu'un, dans ce fichu pays au milieu de toutes ces fichues personnes qui passaient près d'elle comme si elle n'existait pas. Mais pour lui, elle existait. Elle releva les yeux vers lui, se contentant d'un petit signe de la tête en guise de réponse. « It's okay. Ca va. » Avant de prendre sa main et de se lever, tenant son sac contre elle avec sa main libre. Elle avait tout l'air d'une enfant, accrochée à lui comme pour éviter que par malheur lui aussi l'abandonne comme tous les autresn, et marchant en gardant les yeux rivés au sol. « Désolée de t'avoir embêté et... Merci d'être venu me chercher. Vraiment... » Elle releva finalement le regard vers lui, pour lui offrir un mince sourire puis déposer un petit baiser sur sa joue. Ils étaient en public et elle ne savait pas si elle avait le droit d'en faire plus. Même si elle le vouait. Un an qu'elle était là, et elle ne comprenait toujours rien à cette société et ses codes. « Ca ne te dérange pas que je vienne chez toi ? J'ai... Pas envie de retourner à la maison... »