white rabbit ϟ jun hee

Coco s'allume une cigarette, l'agite et fait des ronds de fumée tout à fait respectables. C'était tout ce qu'il y avait eu de frais et de juvénile un jour retroussé sur le crâne à découvert, la tête rongée. Des années de sursis auxquelles le temps mettait fin, tout doucement, en mangeant tout ce qu'il y avait de vivant encore. Mais aussi saignée, aussi sèche, aussi vidée de tout ce qu'elle possédait d'humain et de rassurant quand elle la prenait dans ses bras, il était impossible et douloureux pour Coco de chercher quoi que ce soit de logique où d'honnête à ce juste retour des choses. Elle ne voyait pas Séoul, elle voyait une hideuse et sénile créature. Elle ne voyait pas sa jeunesse retrouvée, elle y voyait une cruelle perte de temps. Le temps ravalait. Elle imaginait tout à fait son cerveau à l'état d'un raisin sec, où déshydraté, lyophilisé dans son bocal. Accessoirement, ses doigts glissèrent sur l'écran de son téléphone, attente inconsciente d'un appel qui ne survenait jamais, même après trois ans.

▬ J'étais pourtant persuadée que c'était ici.

Alors l'ennuie était devenir sa pire ennemie, celle qui faisait faisandée ses neurones, qui affaissait sa matière grise. L'ennuie avait rongé ses nerfs et continuait à alourdir ses repères. L'ennuie, c'était cette vie estudiantines, ce parcourt bien rangé de sage petite fille. Alors Coco trompait l'ennuie à coup de drogue, à coup de connerie. Elle essayait de survivre la pauvre chérie. Que pouvait-il y avoir de pire que ces incessantes routines lorsqu'on avait connu le délicat frisson de l'interdit? A vivre sur le fil, à bout de souffle, à bout de bras, à se retenir à leurs mensonges, à leurs arnaques. Coco, elle se languissait de son ancienne vie. Alors elle s'occupait, en baladant Jun Hee.

▬ Peut être que j'aurais du tourner à gauche, ou à droite.

Et elle souriait en secouant ses boucles blondes, elle souriait alors même que le puéril de la scène lui parvenait. Elle n'y pouvait rien, tous ses compagnons d'errance étaient indisponibles, même jae hyuk avait mieux à faire que la supporter elle, l'inconstante, la nymphette. Il n'y avait que Jun Hee. Jun Hee la pudique qui la fuyait le plus souvent. Jun Hee qui ne se retrouvait jamais en ville. Jun Hee qui avait acceptée de venir manger en sa compagnie et qu'elle avait finalement embarquer aux alentours des allées marchande, juste devant un magasin de lingerie. Tant qu'à faire, elle pourrait peut être en tirer quelque chose de bien.

▬ Tiens, tu ne voudrais pas prendre quelque chose pour ton crush?

Et Coco riait. C'était un son délicieux pourtant, plein de promesses. A s'y laisser prendre, assurément.

Les rues se ressemblaient toutes, et pour la villageoise que j’étais, c’était un réel supplice que d’essayer de me repérer dans le dédale de buildings tous plus identiques les uns que les autres. « Sérieusement, comment tu fais ? J’ai l’impression qu’on a passé ce café pour la troisième fois au moins ! Tu es sûre que tu sais où tu vas ? » Je soupirais, accusant un sens de l’orientation aussi affuté qu’une lame rouillée. Néanmoins, j’avançais, suivant avec attention mon guide pour la journée. L’amitié était encore un terrain pentu, j’arborais un sourire presque factice, cachant derrière une expression heureuse les méandres d’un passé qui ne cesserait de me hanter. Coco n’avait pas fait exception. Malgré sa bonne humeur, je craignais qu’elle ne soit qu’un leurre. « Tu étais sûre ? »  L’angoisse étreignait mes muscle à mesure que nous avancions vers une destination encore inconnue. Je dévisageais chaque passant, m’attendant à trouver le meurtrier derrière chaque visage fermé qui croisait mon chemin. « Coco… » Je songeais à partir, l’abandonner de peur de me retrouver dans une situation hors de contrôle. Mes yeux glissèrent sur son dos alors qu’elle marchait sans même faire attention à ce qui se trouvait autour d’elle. Pouvais-je réellement lui faire faux bond ? Elle semblait pourtant bien décidée à me perdre dans l’enfer citadin. À gauche ou à droite ? Jun c’est le signe que tu dois fuir ! J’allais faire demi-tour quand elle décida enfin de s’arrêter. « Pardon ? » L’enseigne de lingerie se dessinait sous mes yeux ébahis. « Mon quoi ? » Mes iris n’avaient de cesse de se poser alternativement sur Coco et sur la boutique. La pudeur était pourtant l’un de mes démons les plus connu, plantant ses griffes dans un estomac déjà noué pour lacérer cette gêne jusqu’à éclabousser mes joues d’un écarlate à peine modéré. « Je pensais que l’on…. » Les mots ne parvinrent pas à se frayer un chemin jusqu’à mes lèvres avant qu’elle ne disparaisse par l’ouverture du magasin. « Attends Coco ! » Que fallait-il faire ? La suivre ? Rentrer chez moi ? Mais en coulant un regard sur la rue, je savais d’avance que le parcours ressemblerait davantage à un labyrinthe. « Aish ! » J’inspirais profondément avant de pénétrer à mon tour dans le sanctuaire des sous-vêtements. La dentelle, le coton, le satin et la soie s’étalaient à perte de vue sur des pièces toutes plus affriolantes les unes que les autres. « Coco… » chuchotai-je. La simple pensée que l’on puisse me trouver dans pareil endroit était une véritable torture, et pourtant. La curiosité prenait le pas sur la retenue, et du bout des doigts j’effleurai les ensembles. Je rougissais à la simple idée qu’un homme puisse me voir aussi peu vêtue, néanmoins elle faisait son chemin. Non sans difficulté, je retrouvais la blonde perdue à la contemplation d’un ensemble particulièrement transparent. « Je n’ai pas de crush, ni de petit ami, alors ma présence ici n’est vraiment pas indispensable ! » arguai-je. « Est-ce qu’on peut partir, s’il te plait ? »

Coco écoutait-elle ce que Jun Hee lui disait ? Oui, mais le recrachait à sa saveur.
D'un geste désinvolte, elle pousse la porte du magasin, une boutique populaire, de lingeries et de tenus intimes. Un espace destiné aux plaisirs les plus basiquement instinctif, la luxure, le plaisir de la chaire et l'art de la séduction. Une atmosphère un peu frivole de jeune femme légère. Une ambiance au coeur de laquelle, l'espace d'un instant, Jun Hee s'aventurait. Parce que c'est ça, le prix de la curiosité. C'est mettre les pieds là où l'on ne s'était jamais imaginée, effleurer ce dont on n'aurait jamais rêvé, affronter l'insurmontable par soif de découverte, mais mal façonnée, mal orientée, elle pouvait être si cruelle, la curiosité. Elle pouvait devenir violente, épineuse, corrosive. Coco, depuis le temps, elle la travaillait avec science. Elle a un sourire doux. Le sourire de la femme qui se savait maitre d'un jeu dont elle était la seule à établir les règles.

▬ Ne pas en avoir un ne signifie pas que tu n'en auras pas plus tard. Tu n'as pas envie d'avoir quelque chose dans ton placard lorsque ce sera le cas?

Oh Coco, elle savait se faire insupportablement pertinente lorsqu'elle le désirait. Elle l'attendait simplement le moment où l'idée s'implanterait sous la candeur de son front. Ou elle pourrait avoir cette joie puérile d'avoir désinhibé Jun Hee, son adorable poupée coréenne. Elle retire un négligé d'un des cintres et le tend vers elle, se penche jusqu'à pouvoir sentir la senteur floral de son parfum et vacille dangereusement entre la mince ligne qu'est être avenante ou simplement dérangeante.

▬ Tu n'as jamais fais ce genre de sortie entre amie?
Quelque chose d'un peu bête, sans se prendre la tête, juste pour voir.
Juste pour rire aussi.

Les grands yeux chocolats de Coco ont quelque chose qui essaierait de la séduire. Subversivement, presque en secret. Comme toute chose que cette petite blonde faisait. Après tout, l'idée se devais de revêtir un certain attrait si elle souhaitait la convaincre. Et il ne suffisait que de cela, une graine de curiosité, une pincé d'intérêt et tout s'emballerait. Ou tout du moins elle l'espérait.

▬ Alors faisons un marché. Tu essayes ça, et puis après je te laisse tranquille et on va manger dans le meilleur burger de la ville.

Il ne s'agissait que d'un négligé après tout, un bout de soie suggestif qui cachait tout ce qu'il y avait à cacher et laissait l'imagination joyeusement galoper. De tout ce que Coco aurait put lui proposer, ce vêtement là restait relativement raisonnable. Et elle souriait, la demoiselle. Elle souriait avec cet air innocent qu'on lui connaissait à présent mais qu'on savait foncièrement faux. Parce que Coco, elle tenait bien plus du vilain lutin farceur que de l'enfant sage. Et ce n'est pas Jun Hee qui irait dire le contraire.