Nobody puts baby in a corner - Jae

J'ai les yeux tellement rivés sur l'écran de mon téléphone à taper des "QUOI ???" Et des "????" que je me prends la plante en pot à côté des escaliers et que j'en casse deux immense branche en m'énervant dessus. Merde. Je claque ma langue contre mon palet, regarde autour de moi. Personne, c'est bon, j'vais planquer ça dans le pot. Je fais des boules avec les feuilles et les met au pied de la plante, ni vu ni connu. Puis j'engage ma très lente montée au deuxième étage en pianotant d'autres messages plus explicites à Andreas. GROS J'CAPTE RIEN TU VEUX QUOI ??? Le seul truc qui m'avait sauté aux yeux c'était "coska". Donc j'avais ramené de la vodka en me disant qu'il voulait surement se finir avec moi. J'avais un peu les nerfs qu'il m'ait invité qu'à trois heures du matin mais vu que j'travaillais jusqu'à une heure aujourd'hui dans tous les cas j'aurais pas pu venir. Je m'acharne sur les touches de mon écran tactile tout fissuré. Je finis par le ranger dans la poche arrière de mon jean et croise deux filles en train de se bécoter. Le sourire me monte jusqu'aux oreilles et je monte les trois marches restantes en secouant la tête. Puis l'image d'une fille me traverse l'esprit et mon coeur bat un peu plus vite alors je m'efforce de la chasser de mon esprit ce soir j'suis là pour m'amuser, pas pour penser aux filles. J'arrive finalement devant la porte de la chambre de mon pote et j'entre comme un gros sale, sans frapper. J'entends un mec rire et à la lumière de la lampe de chevet, j'vois qu'Andreas est complètement mort sur son lit, il dort.Putain d'enfoiré. Si c'est ça regarde c'que j'en fais de ta tise ! Je débouche la vodka et m'en enfile un cinquième de bouteille pure. Le goût d'alcool à 90 me lave la bouche, la gorge et l'esprit. J'ai l'impression que j'vais vomir mais je me retiens et je m'assois au pied du lit de mon pote. Alors, t'es le coloc, c'est ça ? Que je lance à l'autre type.

Comme dit et redit ; s'occuper d'Andreas, c'était un sport. Un sport de haut niveau, plus éprouvant que n'importe quel athlétisme - même un gangster peinait moins que Jaehwa, actuellement. Parce qu'Andreas gémissait, se plaignait - il quémandait toujours des choses, que ce soit à manger, à boire, ou encore, que Jaehwa devienne une femme. Alors pour une fois, ce soir, Jae avait abandonné toute idée de rester sobre - il lui fallait un remontant. Puis, il était avec un Andreas déjà k.o donc, il ne risquait pas de se retrouver à gambader dans les rues - mauvais souvenirs. Sirotant les dernières goûtes d'une vodka bas de gamme, il lève les yeux - et un mec, blond, vient d'apparaître. Ok, totalement normal. Il le regarde avec des gros yeux ; et alors que le Jaehwa normal se serait enfui en courant devant cet inconnu, l'asiatique riait à pleins poumons à sa question. Déjà bourré ouais - mais il restait encore vivant, lui. « Noooon j'suis son pote ! » Il secoue le corps à moitié immobile d'Andreas, avant de se lever. Titubant, Jae pose son derrière à côté de celui de l'autre mec - et il passe ses bras autour de ses épaules, pour le secouer dans tous les sens. « T'es quuuuuui ?  »

« Noooon j'suis son pote ! » Je le dévisage un instant en buvant une gorgée d'alcool brûlant. Ah, son pote. Moi aussi j'suis son pote. Traduction, c'est mon pote je veux bien te le prêter mais pas trop quand même. Mon corps s'est clairement réchauffé, j'en aurais presque envie d'ouvrir la fenêtre mais je me contente de rester là, vidé de mon énergie, à regarder dans le vide et à penser à dormir pendant une fraction de seconde. Et puis le gars se déplace, il vient s'asseoir à côté de moi. Je hausse un sourcil et j'lui jette le même regard que je jetterais à un chewing-gum collé sous ma chaussure. Je m'apprête à lui tendre ma bouteille en croyant que c'est ça qu'il veut puis il se cale tranquille pépère, comme à la maison, il passe son bras sur mes épaules et commence à me secouer comme si j'étais une poupée en mousse. « T'es quuuuuui ? » J'lui repousse la taille en essayant de m'enfuir de son emprise mais c'est pas un faible le petit con. Arrête de secouer, tu veux que j'te gerbe dessus ou quoi ? Je fronce les sourcils en me rasseyant correctement et en secouant les épaules pour qu'il finisse peut-être un jour par comprendre qu'il faut me lâcher. J'lâche plus ma bouteille des yeux et je bois encore un peu. Juste un peu, histoire d'avoir envie de rigoler, histoire d'pouvoir passer une autre nuit sans dormir plus de deux heures. Histoire d'pas penser aux filles, à ma famille, à c'que ferait plus tard, à rien. Histoire de m'amuser avec cet inconnu relou. J'suis Choi Sang Rae. C'est mon pote d'puis la maternelle. Ou la naissance en fait. Un peu genre mon frère. Le plus débile et le pire des enculés des frères du monde. J'lâche un petit rire et passe ma bouteille à mon nouveau pote. T'as d'jà l'air bien bourré, si tu vomis tu nettoies, j'préviens. On fait un jeu ? Je tripote un fil sur mon pantalon du bout des doigts, j'espère qu'il va dire oui.

Pauvre petit gars ; Jae l'écoute à peine, complètement abasourdi par.. en fait, par tout. Le coréen, quand il est bourré, est juste une petite boule qui réfléchit à moitié. C'est-à-dire qu'il est là, hein, physiquement - et un coup il va s'interroger sur le sens de sa vie et sur ce qu'il ferait bien de faire, puis l'autre, son cerveau se coupe, s'éloigne et le laisse se démerder seul. En somme ; c'est un gosse encore plus ingérable qu'Andreas. Si si. C'est possible.  C'est possible, parce qu'il ne lâche l'autre que lorsqu'il en a marre - il ignore totalement ses plaintes et contestations. Il finit même par se bercer lui-même, chantonnant, pour finalement se dire que, bizarrement, il entendait une voix. Alors il remonte à la surface, il tend l'oreille et lève ses yeux sur lui. Son prénom sera très certainement oublié d'ici quelques heures - alors il se contente de sourire. « Il m'a sauvé quand une nana a dit à son mec que j'la draguais. » Et il en rit, le con, il en rit jaune et il en rit fort, avant de se stopper net- un jeu ? « Carrément ! » Il lui vole sa bouteille - et il la colle à ses lèvres, descend rapidement ce que son estomac lui permet de descendre, avant de se réfugier vers les biscuits posés çà et là. « On s'fait un action vérité ? Ou un palmier ?  » C'est qu'il est heureux, le cheonchin, quand on lui propose de jouer - souvenirs d'Agapé, et s'il était plus bourré encore, détruit certainement, il aurait proposé à l'autre un jeu de ce genre. Mais non, jamais ; là, il avait encore un petit peu de lucidité, qu'il comptait bien effacer à coup de verres et des gorgées amers.

Je regarde le mec en scred. Il a l'air complètement déphasé, il regarde partout et finit par chantonner. J'fronce les sourcils en buvant un coup. Sur quel espèce d'alien j'suis tombé là ? Je hausse les épaules et continue ma tirade, visiblement seul acteur de la conversation. Puis il s'décide soudainement à me parler. « Il m'a sauvé quand une nana a dit à son mec que j'la draguais. » Une grimace d'incompréhension me tord le visage. Andreas ? Aider quelqu'un ? Nan. Y avait une couille dans l'potage. « Quoi, t'es sûr ? Ce mec là ? Il t'a aidé ? Sans te demander d'argent ou de lui payer un verre ? » Je désigne mon pote du doigt. J'ai sérieusement des doutes, il devait y avoir un truc. Surement que le gamin -parce que franchement il a une tête de bébé ce mec- avait un talent particulier qu'Andreas pouvait utiliser ou j'sais pas. Et il rigole comme le mec le plus bourré du monde avant de se stopper net en entendant ce que j'lui propose. Putain, c'est comme ça qu'on calme les gosses ! « Carrément ! On s'fait un action vérité ? Ou un palmier ? » Il boit un coup et commence à chercher de la bouffe par terre. Oh seigneur Jésus, si cette soirée se finit bien, j'suis cocu. « Tu t'es bien regardé gros ? Aucune chance que j'fasse un palmier avec toi, tu vas faire un coma éthylique et j'vais devoir t'emmener à l'hosto. Va pour un action vérité. Commence. Action ou vérité ? » Je lâche un petit rire. Mes joues doivent être rougies par l'alcool et mes yeux brillants. En tous cas mon corps est tout chaud, je me sens mieux soudainement, j'ai envie d'jouer. Je sirote un peu et finis par lui passer ma bouteille sans le quitter des yeux. Faut que j'le surveille c'est clair.

« Non ! Il m'a juste aidé ! Mais maintenant, j'suis sa nourrice quand il boit ! » True story. Triste story, même, parce que Jaehwa finissait k.o trop souvent, à cause de son ami. Un coup à dormir des heures après - limite une journée entière. Du coup, ouais, voir Andreas bourré, ça l'avait peut-être (sûrement) changé. Parce que maintenant, Jae, quand il buvait, il n'y allait pas doucement, non, il avait - jolie descente. Il retourne incroyablement rapidement, d'ailleurs, en quête de ses petits biscuits adorés. Il en trouve un, le gobe ; second, qu'il mêle à un troisième dont le goût - et la provenance, lui restent inconnus. Aucun risque du danger, il pourrait gober une crotte de souris et gambader comme si de rien n'était. Mais, il s'arrête -rapidement, quand même, de tout grignoter, comme un aspirateur, pour lever sa petite tête vers l'autre gars. Sourcils froncés, moue aux lèvres, il imite merveilleusement bien le caprice d'un enfant, à qui on refuse un énième cadeau ; « Je sui pas un bébé, j'peux faire un palmier sans être mort ! » Même, tellement il est fort, Jaehwa n'hésite pas à donner un coup contre la jambe du pauvre type. Il se redresse, se soulève et repose son derrière à côté de l'autre. La bouteille attrapée, le goulot entre ses lèvres, il avale, avale, avale, tout en réfléchissant. Une action pourrait être risquée - il n'a pas envie de finir nu dans un autre dortoir. Bon, d'un côté, une vérité pourrait être plus amusant.. Et moins dangereuse. Ouais, mine de rien, il réfléchissait à ce qui lui coûterait cher - mais après, hein, genre, juste après cette question, c'était mort. Il réfléchirait plus. Il buvait beaucoup trop pour réfléchir. «  Vérité ! »

« Non ! Il m'a juste aidé ! Mais maintenant, j'suis sa nourrice quand il boit ! » Je le quitte pas des yeux pendant au moins trois secondes, sans savoir s'il dit la vérité ou pas. Moi qui connais Andreas depuis l'enfance, j'ai bizarrement beaucoup de mal à y croire. Je finis par hausser les épaules, c'est pas mon problème c'que Andreas lui veut, il verra bien plus tard. Ca s'trouve il a viré de bord et il veut s'le taper. Je lui jette un nouveau regard en coin et le regarde chercher des biscuits par terre comme un clochard. Je peux pas m'empêcher de sourire. Ca en serait presque mignon. Aucune chance qu'Andreas ait viré de bord pour lui cela dit. Il a rien de ce que mon pote aime. Dois-je vous rappeler qu'il a décrété que Su Nah était la femme de sa vie ? Su Nah. Elle est plus virile que le gamin qui mange tout ce qu'il trouve et finit par me regarder, la bouche pleine, une moue boudeuse sur les lèvres. Merde, il a quel âge, cinq ans ? « Je sui pas un bébé, j'peux faire un palmier sans être mort ! » « Mais oui, c'est ça, ça doit déjà surement être illégal de te donner de l'alcool tout court vu ton âge.  T'as quoi, quinze ans ? J'parie que t'as sauté quinze classes et tout. T'es au moins chez les Cheonchin. » Il me donne un coup de pied et je le regarde indigné avant d'éclater de rire en rejetant la tête en arrière alors. Ca y est, je suis parti. Comment je le sais ? La pièce tangue, et je viens de rire parce qu'on m'a frappé. Je le vois boire un coup, trop de coup. Et puis, je lui arrache la bouteille des mains. Il va tout me finir s'il continue, puis j'ai dit qu'il devait pas trop boire, c'que je dis c'est important. Il demande une vérité, alors je bois un coup pour réfléchir. J'vais lui poser une question où il sera obligé de répondre un truc qui lui plait pas. J'fais toujours ça. « Ok alors, qu'est-ce que c'est le truc le plus embarrassant qui te soit arrivé ? AU MONDE genre. Dans toute ta vie. L'pire truc. » Je lui jette un regard à travers le rayon de cheveux qui me tombe dans les yeux en souriant triomphalement.

«  Gnahgnahgnah. » Meilleure répartie au monde, Jaehwa tire la gueule immédiatement - non mais, lui, quinze ans ? Pacotilles, il était majeur et ce, depuis longtemps ! Bon, pas si longtemps que ça mais, il était loin d'avoir quinze ans - et il ne manquait pas de grommeler, de marmonner sur l’imbécillité de l'autre. Bon, il était tout sauf intelligent, là, tout de suite, maintenant, et il s'approchait même d'une bêtise sans pareille - mais chut, chut, il n'était pas au courant, et tant qu'il ne le savait pas, Jaehwa était l'homme le plus intelligent de son petit monde. Et la vérité tombe - enfin, la question avec laquelle il devra répondre sincèrement. Sa pire honte, en somme. Jaehwa réfléchit - Jaehwa bourré qui réfléchit, c'est comique, parce que c'est tout sauf logique. Jaehwa, il réfléchit pas. Là, y'a des singes dans sa tête qui remuent des fesses en braillant il ne sait trop quoi. Soit ; il se dit que peut-être, peut-être hein, l'épisode où il s'était vautré devant son amoureuse était honteux mais.. Non, pas assez. C'était gamin, ça. Et il avait besoin d'impressionner l'autre - besoin idiot mais, bref, bof, hein, enfin. Il se redresse, alors, royal, magistral, presque, le doigt pointé vers le plafond. «  J'ai bandé en cours de maths, et j'ai prétendu que j'étais supra malade ! » Ouais. Embarrassant. Juste à dire, embarrassant. Mais il regarde l'autre avec son sourire de con heureux - et il ne tarde pas à demander ; «  A toi, action, vérité ? »

« Gnahgnahgnah. » Il m'arrache un sourire et je me penche vers lui pour lui mettre une tape sur le crâne, sans raison valable. Juste l'alcool qui me monte au cerveau, qui m'fait rire en voyant son visage poupin dépité. Il réfléchit longtemps avant de me sortir son histoire et j'en profite pour chercher à tâtons des biscuits qu'il a éparpillés par terre pour je ne sais quelle raison. Je trouve quelques miettes et les porte à ma bouche avec contentement. « J'ai bandé en cours de maths, et j'ai prétendu que j'étais supra malade ! » J'éclate de rire comme un con et prends une gorgée d'alcool brûlant. Je passe mon bras sur son épaule comme si on était pote ou que c'était mon petit frère. Putain j'ai bien fait de pas avoir de frère, j'suis un frère tout pourri. « Ouais mais ça c'est déjà arrivé à tout le monde, suffit d'avoir une petite prof sexy avec un joli décolleté et pfiouuu. Aha. Bon Action. » J'ai envie de pimenter un peu le jeu, les vérités c'est marrant deux secondes, moi j'ai toujours préféré faire des trucs cons que dire des trucs super sincères et poétiques, m'voyez ?

Jaehwa secoue la tête - parce que lui, lui, il est pas du genre à bander, et oui monsieur ; lui, il est aussi mou que.. Ouais, on va pas épiloguer sur la dureté de son engin, hein, mais, bref. Jaehwa, c'est pas un libidineux, au contraire, c'est un mec qui s'en fout pas mal, de la chose. Que ce soit avec une femme, un mec ou sa main, Jaehwa n'en veut pas. Il trouve que c'est une perte de temps - bon, quand il n'est pas bourré, tout est une perte de temps. Se saouler, justement. Mais là, ouais, ce soir, il s'est un peu lâché et non, boire, c'est bien, c'est bon pour la santé, ça libère les trucs qui sont obstrués, normalement. Pour Jae, c'est surtout.. sa liberté ? Ouais, il s'auto-censure. Bah bourré, il est libre. La preuve, il éclate de rire quand il lui parle d'action - il en veut une ? Pauvre Sangrae, il sait pas quel diable il tente. «  Mhhhh.. » Partagé entre lui demander de rouler un patin à Andreas, vider trois bouteilles maximum et partir en quête à l'extérieur de cette petite chambre, Jaehwa se redresse. Main levée, presque héroïque, il imite superman qui vole. « Je veux aller faire une exploration nocturne ! » Il secoue ses mains, ses bras, direction la porte. «  Allons-y, messire Sangrae ! On va aller à la morgue, et si y'a un corps, tu lui roules une pelle ! » Glauque.