get the money, dollar dollar bill, y'all ϟ sangria

Le magasin était au dernier étage - une petite pièce aux allures gentiment féminine, pleine de robes aux tissus léger et de hauts à la coupe épurée. La décoration se voulait jeune et chic, certainement dynamique. L'endroit s'encombrait jusqu'aux portes d'une collection de chaussures et d'accessoires en tout genre, si bien qu'on y trébuchait volontiers à chaque pas sur des jeunes filles se trémoussant au rythme du dernier morceau en vogue. Une seule image ornait le mur: une photo exagérément agrandie représentant, à première vue, un paysage fantasmagorique alourdie par une brume  très certainement issue d'un quelconque onirisme. Avec un peu de recul, le paysage se parait de silhouette féminine et la brume formait les lettre du magasin qui laissait tomber son reflet violacée sur la pièce "Moony". Plusieurs magazines de mode jonchaient la table basse, pêle-mêle avec quelques exemplaire de courte nouvelle romancée et tout un assortiment d'échantillons de cosmétique.

Ce n'était généralement pas le genre de boutique qu'affectionnait Coco. En effet, l'ambiance Girly friendly ne parvenait que rarement à la séduire, elle lui préférait la provocation sulfureuse de ces robes aux courbes suggestives et des chemisiers resserrés qui ne laissait que peu de marge à la discrétion de son décolleté. Coco était de ces femmes qui s'habillait comme d'autres revêtaient une tenue de combat. Sa féminité était une arme qu'elle avait apprit à exploiter depuis longtemps et cette dernière ne s'accordait définitivement pas au style naïvement candide de la majorité des adolescentes coréenne. Mais aujourd'hui, elle n'était pas là pour elle. Non, Coco, elle volait simplement au secours d'un énième garçon perdue sur cette terre.

▬ Du coup, elle porte quoi en général ta chérie?  

Une question simple qui attendait une réponse tout aussi simple.
Ou tout du moins en théorie.
Mademoiselle Hogan était bien placée pour savoir que les hommes ne s'embarrassait pas ce genre de détail. Ils mettaient ce qui leurs passaient sous la mains et rare étaient ceux capables de faire la différence entre un rouge bordeaux et un rouge framboise. Le rouge restait du rouge à leurs yeux et la notion des nuances ne s'appliquaient qu'aux différentes saveurs qu'on insufflait aujourd'hui aux préservatifs. Ainsi, miss Hogan s'était simplifiée la tâche en entrainait son cher Sang Rae dans l'une des boutiques les plus populaire de la capitale, estimant par la même occasion que les chances de ce dernier de se planter en choisissant le cadeau de sa petite amie se réduisait au moins de moitié. Enfin, elle l'espérait.

▬ Et je t'assure que si tu me réponds qu'elle met des robes mec, je te raserai les sourcils durant ton sommeil. Avec une cuillère.

Coco, elle arqua un sourcil narquois en croisant ses bras sous sa poitrine, un sourire espiègle jouant sur ses lèvres pleines. Sans doute plaisantait-elle. Ou tout au contrait demeurait-elle mortellement sérieuse. Difficile de dire ce qui se déroulait sous la vaste toile de son imagination. Mais Coco, elle avait encore ce sourire de joie et cette énergie qui semblait coller à sa peau à chaque instant, à chaque misérable seconde. Une énergie qui l'avait poussé à sortir ce jour là, entrainant le Saja dans son sillage, et si elle pouvait par la même l'aider à satisfaire son soudain élan consumériste, elle ne pourrait que s'en trouver pleinement satisfaite.  C'est donc les yeux grands ouverts et le sourire aux lèvres que la jeune Hogan attendait une quelconque réaction de sa part.

J'attendais patiemment que Su Nah finisse son jus de fruit maison pour que je puisse lui en siffler allègrement la moitié lorsque Coco passa dans mon champ de vision. « Hé Coco, tu fais quoi cet aprem ? » Une hésitation qui s'éternise une nano-seconde de trop et elle se retrouve embarquée dans une mission shopping avec moi. Ca fait un moment que ça me trotte dans la tête, j'ai cette envie d'acheter un cadeau pour Ji Eun. Comme ça, sans raison. J'ai un peu d'argent grâce à mon travail à la radio et grâce aussi aux économies que je fais en mangeant tout l'temps chez les autres ou les trucs des autres. La boutique où Coco m'a emmené me paraissait cool bien que complètement impraticable à mon goût entre les filles partout et les fringues et les chaussures dans tous les coins, j'savais plus où donner de la tête. « Du coup, elle porte quoi en général ta chérie? » J'esquisse une grimace à l'énoncé du mot chérie sans vraiment savoir pourquoi, surement que j'aime pas ce mot, il sonne niais. J'ouvre la bouche pour répondre un banal des robes mais elle me coupe en plein vol, croisant les bras sur sa poitrine et me jetant un regard entendu. « Et je t'assure que si tu me réponds qu'elle met des robes mec, je te raserai les sourcils durant ton sommeil. Avec une cuillère. »Je la regarde, abasourdi, me demandant encore une fois comment font les filles pour lire dans l'esprit des mecs alors qu'on n'est déjà pas capable de savoir ce qu'elles aiment, encore moins ce qu'elles pensent. Je referme la bouche et hausse les épaules en réfléchissant. J'suis même pas sûr d'avoir mémorisé ne serait-ce qu'un seul des vêtements qu'elle a déjà portés. Sauf cette robe bleue qui laissait entrevoir l'orée de son décolleté. J'esquisse un sourire à la pensée de cette robe. Et puis y a ce jean foncé qui moule ses jambes assez parfaitement pour que j'ai envie de le lui enlever à chaque fois que je la vois dedans. Puis ce petit haut à fleurs sur lequel cascadaient ses cheveux l'autre jour. Et la veste en jean qu'elle avait tachée à cause de moi et de ma débilité. La robe noire, découvrant ses cuisses, qu'elle avait mise pour m'accompagner en soirée. La veste kaki qu'elle portait le jour où on s'était vus à l'hôpital et ce tee-shirt bordeau contre lequel j'avais pleuré. Je me rends compte qu'en réfléchissant, je me souviens de chaque tenue qu'elle a mise en ma présence. Quel canard. Je fais quelques pas aux côtés de Coco, m'arrêtant pour faire semblant de regarder des fringues ça et là. « Ben, j'suis pas sûr, j'crois qu'elle aime les trucs normaux quoi... Le jean, comme ça. Puis les robes. Elle met des trucs sexy des fois même. Mais souvent c'est plus des trucs mignons. Fin j'sais pas ! C'est toi qu'est là pour m'aider déjà ! » Je ne vois plus que le dos de Coco, qui parcoure la boutique pour moi et je l'enlace de désespoir, entourant sa taille et posant mon menton sur son épaule en boudant. « Trouve moi un truc s'teu plait. J'ai déjà mal au crâne à cause de toutes les meufs là ! J'veux lui offrir genre une robe canon, tu vois ? » Je tourne mon visage vers le sien pour la regarder et je me retrouve très proche de son visage, ce qui me fait sourire puis rire franchement. Sa tête est marrante de près. Et puis, on se prend un flash dans la gueule. « Vous êtes mignons ! » La fille sourit et se casse. Je me recule aussitôt de Coco, la poussant légèrement en avant, mais le mal est fait. « Hé Morveuse ! Reviens là, putain ! T'as pas mon droit à l'image ! Connasse ! Si j'avais de la thune j'te collerais un procès ! » Tout le monde me regard, outré, et je lâche un quoi ? bruyant à leur intention histoire qu'ils retournent tous à leurs fringues. Cette photo, j'sais où elle va finir. Parce que c'te meuf, je la connais. Elle quitte pas Jae d'une semelle, au point où je la retrouve parfois dans ma chambre en train d'attendre le couple de tourtereaux qui squattent tout l'temps ma chambre, la mienne ouais. Putain. A croire que tout l'monde sait que mon coloc est gay maintenant.
Coco et moi allons surement faire la une du journal ou de son blog débile d'adolescente ridicule j'en sais rien. Dans tous les cas, si ça fuite, ça va pas plaire à Ji Eun, ça va pas plaire à Lynn, ça va plaire à personne. Et surtout ça m'pète les couilles ! « Mais putain ! Pourquoi tout l'monde fait chier comme ça ? Ils peuvent pas mettre leurs doigts dans leur cul et essayer de voler plutôt que de venir m'emmerder tout l'temps ? » Je me tourne vers Coco, l'incompréhension la plus totale de peinte sur le visage.

Coco soupira en avisant la confusion qui doucement mais surement envahissait les traits de Sang Rae. Elle l'observait sans mot dire, entortillant une mèche blonde autour de son index et se demandait si cet air soudainement absorbé était commun à tous les couples, si il se perdait ainsi dans des flots de réflexions à chaque fois que le sujet Ji Eun était porter à son attention. Elle espérait que non. Cette émotion qui se dessinait sous l'ourlet de ses cils exposait à trop bien de préjudice. Cet homme là, tout embourbé dans son affection maladroite était vulnérable. C'était si délicat de le voir s'absorber pour quelque chose d'aussi futiles que des vêtements; elle aurait pourtant jurée qu'il s'en foutait encore quelques minutes plus tôt. Il y avait alors eut un instant en suspend, un souffle retenu, puis tout s'éclairait. Il y avait de la tendresse et de l'envie, comme si le simple souvenir d'un sourire, d'une étreinte, d'une caresse, aurait suffit à faire poindre les premiers frémissement d'un rire. C'était tout ce qu'elle craignait Coco. Cette chaleur diffuse qui vous réchauffait jusqu'aux os, ce souffle brûlant injecté à même les poumons qui cherchait à décongelé la glace coagulé dans les veines. Lorsque les effleurements des uns et les gémissements de l'autres n'avaient plus de secrets l'un pour l'autre, et pourtant jamais la routine ne s'installait. Tout était à faire et à défaire, à bâtir et à déconstruire, une lutte éternelle. Parce que l'autre ne serait jamais vraiment sien. L'être humain est une créature libre après tout. Volatile. Coco les craignait pour ça. Offrir son coeur, c'était craindre de voir l'hirondelle repartir avec sans jamais pouvoir la retenir. Et peut être qu'il était trop tard. Peut être que son coeur justement, ne lui appartenait plus déjà.

Et l'idée, même si elle répugnait à la formuler, lui faisait bien plus peur qu'elle ne voudrait l'admettre. Mais déjà Sang Rae la ramenait sur terre, dans une réponse vague qui dans le fond ne l'aiguillait en rien. Un appel à l'aide geint dans la cacophonie ambiante qui la fit doucement lever les yeux au ciel. Et sourire aussi, parce que ce type là ne changeait pas. Et cette constante était réconfortant en sois.

▬ Je vois, une robe canon donc. Essayons de te trouver ça avant que ta pauvre petite tête n'explose.  

Elle se tournait maintenant, parcourant le désordre des rayons. Elle avait lâchée ces quelques mots en souriant face au ton grandiloquent du jeune homme. Aux dernières nouvelles, faire les boutiques n'avait jamais tué personne. Et ce n'est certainement pas en l'enlaçant et en lui servant sa bouille d'hamster qu'elle deviendrait plus efficace. Mais Rae, il la fait rire, il la fait doucement sourire alors qu'elles ébouriffe les mèches qui chatouille sa joue du bout des doigts. Il est adorable après tout, dans ces exagérations, dans cette manière qu'il avait de s'en foutre de l'attention qu'il attirait sur eux. Sans doute d'ailleurs qu'elle allait le lui dire, alors qu'elle écartait ses lèvres. Sans doute Coco avait-elle l'ambition de lui sortir l'une de ses fameuses plaisanteries bien sentit avant qu'un flash ne détourne son attention. Même pas le temps de saisir ce que la gamine baragouine, la française cligne confusément des yeux et tourne son regard vers les escaliers qu'elle a emprunté.

▬ What the fuck?

Avouons tout de même que le taux de popularité de mademoiselle Hogan n'est pas assez élevé pour qu'elle ait l'habitude de se faire prendre en photo à la sauvette. Encore moins avec un lilliputien qui soudainement hurle et s'agite derrière elle dans un joyeux non sens qui lui fait arquer un sourcil sceptique. Qu'on la prenne en photo dans les bras d'un homme ne la dérangeait guère, surtout lorsque ce dernier était mentalement catégorisé dans la colonne des "chaton saja".  Soit les garçons qu'elle adorait emmerdé mais avec qui il n'existait aucune ambiguïté. Et si la dernière remarque du jeune homme lui arracha un bref éclat de rire, Coco comprit surtout qu'embrouille il y avait et que la principale concernée était entrain de se tirer.

▬ Mon porte monnaie ! Cette fille m'a volé mon porte monnaie ! Sécurité! Arrêtez la!

Il glissa sur son visage comme un masque, cet air soudainement paniqué, cette voix un peu plus aiguë et le regard agité qu'elle adopta en cavalant brusquement vers la sortie. Coco la mytho, qui courrait après l'autre fouineuse en espérant que la sécurité allait l'arrêter avant qu'elle n'atteigne le rez de chaussé. Parce qu'elle n'avait aucune, mais alors aucune envie de courir après une mome dans la rue.