drink it up ϟ giselle

drink it up
C'était peut-être juste ça.
Les volutes d’une cigarette au bout incandescent dont la fumée s’espaçait doucement sous ce ciel outrageusement grand, l’odeur si caractéristique des corps sans amour qui imprégnait l’air, les vêtements éparpillés à même la banquette, jetés dans une lascivité routinière, son corps qu'elle laissa tomber sur le sable chaud, alors qu’elle fixait le silence encore empreint de ces ombres inhumaines, en songeant que;
C’était peut-être juste ça.

Il régnait en ces lieux comme un dogme, une sorte de règle universelle et indéfinissable qui pourtant, refusait en réalité d'en accepter d'autres : il était interdit d'interdire. Toutes les excentricités, toutes les folies étaient permises, pourvu que tous recherchent la lumière. Et elle pouvait émaner de tout être, de toute liqueur, de toute substance, de tout objet, inanimé,  ou doté d’une âme; mais celle que recherchait vraiment ces deux jeunes femme, c’était celle du ciel. Plus brillante que les autres, plus fortes que toutes, de ces lumières qui vous piquent les yeux quand vous tentez de les fixer, mais que vous êtes incapables de lâcher. Cette fascination qu'elles exercent est propre à celle qui émane des grands hommes.
La liberté.

Et il appartenait aux demoiselle de choisir quel en était le chemin. Il n’y avait qu’elles qui soient capable d’en décider, qu’elles qui soient capable d’ainsi juger, de la cueillir du bout des lèvres, de l’avaler toute entière pour à leurs tours reluire comme ces lucioles d’une nouvelle ère. Car la liberté, c’était ce vent à leurs oreilles, ce sable sous leurs pieds, le vide sous leurs yeux et l’alcool dans leur gosier. La liberté avait un goût brûlant ici bas, le mordant de la vodka et le feu de la tequila. La liberté, c’était aussi ce joint qui chauffait ses lèvres et le rire qui grimpait à sa gorge jusqu’à chatouiller le ciel. La liberté c’était Coco et beaucoup moins que ça. La liberté était Giselle, la liberté était lumière, errance ou fête. La liberté au fond, n’était rien de plus que ce qu’elles désiraient. Une liberté pervertie, malsaine, déviante et égoïste.
Une liberté infantile de jeunes filles en fleurs.

▬ Je me demande ce que ça f'rait, si on crevait maintenant. Est ce qu'on regretterait? Est ce qu'il reste encore des trucs à faire sur cette putain de terre?  

C’était là l’une des nombreuses questions posée par la française au cours de leur escapade. Une de celle qui revenait tout le temps, toujours, à chaque fois que son rire se joignait au sien, à chaque fois qu’elle s’abandonnait dans la clarté d’un regard. Qu’y avait-il encore à voir? Que pouvait-elle découvrir qui méritait d’être vue? De ces mystères du monde qui la faisait se sentir petite fille sous l’immensité d’une vie qui, le temps d’une seconde, ne semblait plus lui appartenir. Car tout devenait plus simple lorsque la vie se faisait sauvage, animale, nue jusqu’à la moelle dans ses étreintes égocentriques.

Coco, elle tourna son visage vers le sien, paresseuse, tout en lui tendant son philtre du bout des doigts. Elle lui souriait à Giselle, sourire absent,
sourire fantôme.

drink it up.
p'tite tenue kitue ƒ  être là sans vraiment l’être. profiter de l’instant présent, voir même le subir. ouais je pense que c’est ça, tout ce que je fais, je le subit. difficile d’être ancrée dans sa propre dépression sans y voir le mal. je ne sais même pas ce que j’ai mangé de la journée, surement rien à part mes pastilles à la menthe et quelques anti-dépresseurs bien corsés. je lance un regard vide vers le ciel, me demandant bien qu’est-ce que ça ferait si j’arrivai à atteindre ce nuage en forme de cheval. encore et toujours un cheval. mes hallucination quotidiennes, encore et toujours, j’avais tout vu. sincèrement à vingt-quatre piges j’ai tout vu. du pire au meilleur, voir même entre les deux. alors je ne dis rien et je fixe ce nuage qui prendre forme réelle. je regarde le cheval galoper mais ne dis rien. de toute façon, coco elle me connait. gigi et coco c’est la base, on se connait mieux que quiconque. c’est la loi, notre loi. alors je prend le joint qu’elle me tend et tire lentement dessus jusqu’à m’en cramer trente pour-cent des poumons. au point où en est mon foie, je dois bien m’attaquer à autre chose. je pourris de l’intérieur dans tous les sens du terme. maybe, l’air frais de l’océan pourrait me remettre sur pieds, me requinquer, me faire respirer comme jamais.

je fais tournoyer le liquide au fond de la bouteille de tequila. seul ça me permet encore de garder un pied sur terre, l’effet violent et ahurissant de cet alcool détonnait clairement avec l’effet abrutissant de mes drogues. « hum. je sais pas trop. » je marque une pause en avalant une lampée de tequila. « je regrette déjà d’être née, alors mourir tu sais… je pense qu’il reste pas mal de trucs à faire, mais qu’est-ce qu’on n’a pas déjà fait, coco ? » je lui lance un regard en biais et renifle. ouais, qu’est-ce qu’il nous reste à faire ? c’est ça la vrai question hein. cette putain de terre comme dit coco, elle déjà été super cool avec nous. nous énergumènes, enfants au code génétique foireux. tout ça quoi. j’inspire un bon coup en remettant ma bretelle de maillot de bain en place. « par contre une chose est certaine. dans ce qu’il nous reste à faire. une putain de virée en bouée géante, bourrées, droguées. tout ce que tu veux, mais on doit se perdre sur cet océan. » alors je me redresse et sort de la portière de la voiture un bateau gonflable immense aux couleurs flamboyantes. « tu vois ce que je veux dire ? » je lui lance un regard entendu. on était parées. on était venues équipées comme jamais pour mourir en mer. trois bouteilles de tequila, deux packs de bières, deux de vodka, trente xanax, sept extasy, deux fioles de poppers, trente grammes de beuh et maybe un petit extra de quelques buvards d’acide.

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C'est Coco et Gigi, encore dehors, ce soir. Comme souvent. Non, comme toujours. Encore bourrée. déjà bien trop défoncée, par le petit cachet rosé, avalé dans la soirée. C'est déjà la blonde, trop loin de tout ce monde bruyant. Qui enfle et tangue en permanence. Tout ce monde ancré dans la réalité alors qu'elle se perd sereinement dans la brume de ses substances louches. Tout ça, cette brume, lui masque la réalité, au goût âcre dans sa bouche. Ca efface tout ce qui comptait encore. Ca lui permet de voir vraiment, la valse des ombres. Ca lui permet de voir que de toute façon, rien ne compte. Que tout le monde joue, que tout le monde fait semblant. Elle la première, peut-être. Elle se souvient, qu'elle est pas seule, dans sa merde. Qu'il y a des gens qui lui tendent la main, des gens à qui elle a tendu la main. Le lsd, ça efface les problèmes. ça ne montre que ce qu'on veut bien voir. Et ce soir, Coco, tout c'qu'elle voit, c'est Gigi. La petite brune à l'esprit bordel. Au corps bordel. A l'estomac pilule. Sauf que ce soir, ça n'a pas d'importance. Parce que face à l'immensité du monde, rien n'avait d'importance. Après tout, que valait-on face à un couché de soleil?

▬ J'sais pas. Y'a des moments comme ça où je me dis que rien peut plus me surprendre. Qu'au fond, je m'en branle.  

Et elle mimait le geste, avec ses grands yeux de gosses qui brillent comme des étoiles, qui s'illuminent comme des billes. Et son coeur s'emballe soudainement, aux paroles de Gigi. Ca cogne et ça tremblote, ça frémit dans tout son corps et fait naitre la chaire de poule La proposition était séduisante. Irrésistible. Alors oui, elle voyait. Elle les voyait. A être des bouts de rien, perdues au large, sans frontière, sans ciel ni terre. Juste elles. Juste l'océan, ce charmant néant. Coco sautait déjà sur ses pieds.

▬ J'vois même parfaitement kitty.

Kitty. Parce que Gigi, elle lui rappelait ce chaton qu'elle avait un jour eut à l'orphelinat. On le disait gentiment cinglé, parce que la directrice lui avait marchée sur le crâne peu après sa naissance sans faire exprès. Depuis, il pouvait rester des heures à fixer le vide, à observer des choses que personne ne voyait, à avoir peur de tout, même d'une feuille de papier que l'on tire de son sac. Kitty, il ne supportait que Coco. Coco la gosse en suspend, qui riait à longueur de temps, qui s'occupait de lui la plupart du temps. Kitty est mort jeune. Il se laissait dépérir, à juste fixer son vide. Le vide a happé Kitty, comme les hallucinations occupaient à présent le quotidien de Gigi. Mais ça ne comptait pas,
ou tout au contraire ça prenait toute la place. Coco y songeait encore alors qu'elle installait bouteilles et sachets sur leur bouée. Kitty elle l'avait aimé comme elle aimait Giselle aujourd'hui. Et elle n'avait pas put le sauver.  

▬ A notre soirée ma grosse!

Mais ce soir, oui ce soir ça ne comptait pas. Y'avait que les pilules, que leurs bouteilles qu'elle fit s'entrechoqués en grimpant dans leur bateau aux couleurs criardes. Y'avait que la dérive. Juste la dérive.

drink it up.
p'tite tenue kitue ƒ  coco me fait comprendre que plus rien ne peut plus la surprendre. elle n’a pas tort, ma coco, vraiment pas. ça fait bien longtemps que je me suis perdue dans ma quête de renouveau. j’ai abandonné il y a de cela un millier d’années, si je ne puis dire. depuis, plus rien n’a vraiment d’importance à mes yeux, en particulier les choses que certains qualifient de « surprenantes ». j’entrepris de gonfler la bouée avec le peu de poumons qu’il me reste. à force de trop tirer sur la corde, elle fini par lâcher. je reprend mon souffle et vois quelques étoiles danser dans mes orbites. bonté divine, j’en ai eu des hallucinations toute ma chienne de vie, mais pas du genre à tomber dans les pommes. je cligne des yeux, une fois puis deux et lance un regard empli d’amour à coco qui charge notre bouée de fortune avec tout le matériel nécessaire à notre suicide collectif.

parfait, bien trop parfait tout ça. je pourrais crever en cette superbe journée que je partirai sans putains de regrets. quitte à me noyer ivre morte et défoncée comme jamais dans les profondeurs froides et obscures de l’océan. « oh oui, à notre soirée ma beauté ! » je fis tinter ma bouteille de tequila dans la sienne puis attendit qu’elle s’installe confortablement. j’avais pas nagé depuis une putain de décennie, mais c’est comme le vélo, ça s’oublie pas ces conneries. enfin je l’espère. alors bouteille en main, buvard d’acide sur le bord de la langue, je m’agrippe à la bouée de toute mes forces et me met à pédaler. bien entendu on a de quoi ramer, je voulais juste donner un petit coup de pouce au départ. alors quand j’estime que les algues noires à quelques mètres sous mes pieds sont suffisamment flippantes, je monte dans l’immense bouée, là où règne une certaine sécurité sans vraiment l’être. « si je crève ce soir, promets-moi de dire à lenny que je l’aime. » je lâche cette bonne vieille phrase à l’eau de rose dans un petit ricanement ironique, puis m’envoi une grande lampé de tequila pour faire passer le buvard. « bordel, ce truc est vraiment trop puissant, j’ai l’impression que je pourrais cracher du feu. » je tourne la bouteille entre mes mains. encore un machin de pacotille importé de je ne sais où. « dis ma Colette, ce serait quoi ta plus grande peur, là, maintenant et tout de suite ? » je regarde ma coco dans le blanc des yeux, où du moins ce que j’en aperçois dans l’obscurité, maintenant qu’on est loin de la rive, seuls de pauvres reflets de la ville, plus loin, nous éclairent.

drink it up
Au fond, je m'en branle.
C'est ce qu'elle affirme, avec ce sourire aux milles et un sous-entendus. Un sourire dangereux. Un sourire bien vite teinté de téquila. Parce qu'évidemment, elle court droit vers leurs dérivent. Dérive aux goûts de sel. Dérive au milieu des mers sans lueurs et sans remous. Une nature morte. Encore une autre. Et Coco, qui tangue, sur ses petites jambes. Et Coco, bancale, qui rame et rame sans savoir où elle va. Avec ses yeux qui brillent, avec son sourire alcoolisé, qui veut dire trop de choses. C'est presque électrique, ce courant qui remonte jusque dans la poitrine. Ces mots qui n'en disent pas assez, qui poussent à vouloir en savoir plus. Et Coco, trop curieuse. Et Coco, trop joueuse. Qui aide Gigi à se hisser près d'elle avant de s'écrouler.

▬ Promis, je passerai le message même si c'est le dernier truc bien que j'dois faire.  

Et elle boit, en écho à Gigi, comme un miroir. Comme un mirage aux boucles blondes qui lève la bouteille et déglutit au rythme de la houle. Ca coule dans sa gorge comme un feu liquide, glisse dans les artères dans une nuée ardente.  Et elle rit Coco. Elle rit aux paroles de Gigi, elle rit en serrant sa bouteille contre sa poitrine.

▬ Peut être bien qu'on pourrait. Avec un briquet et pas mal de détermination.

Pourquoi pas après tout? Les contrefaçons russes avaient toutes ce petit côté ironiquement cheap. Peu importe l'alcool, peu importe où on les achetaient, leur arrière goût conservait systématiquement cette saveur rance, âcre, que son subconscient assimilait volontiers à un bon vieux bidon d'essence. Mais on n'achetait pas ces merdes pour en savourer l'arôme. Oh non, leurs prix en était le principal attrait.  Quoi qu'on en dise, ces bouteilles là coûtaient presque rien.

▬ Ma plus grande peur ma Kitty?

Un sourire doux. Parce qu'elle avait ce pouvoir là sa Gigi. Avec elle, tout semblait si facile à dire. Pas de tabou, pas de barrière, pas de longues et intenses réflexions sur les mots à employés et comment les assemblés pour ne pas trop en dévoiler.  Et Coco, aussi, elle se sent différente. Comme implicitement comprise. Comme tiré vers le haut tout en ayant les pieds solidement rattaché au sol. Le corps trop anesthésié par la lsd, pour se retenir, de prendre le deuxième cachet. Et Coco, sourire aux lèvres, elle tourne son visage vers elle. Coco, elle tâtonne jusqu'à trouver sa joue. Coco elle la caresse du bout des doigts jusqu'à atteindre les mèches éparses. Coco, elle laisse sa main se perdre dans sa crinière brune.

▬ Qu'ils soient morts avant moi, sans que je puisse leur dire au revoir une dernière fois.

Ils. Eux. Ses amours, ses étoiles, les deux polarité de son univers tout entier, ceux pour qui son monde continues encore de tourner. Même s'il tangue, même s'il vacille, elle sait que temps qu'ils existent il conservera toujours son équilibre. Et c'est horriblement niais. Tant et si bien que ça la fait rire encore.

▬ Et toi Kitty? Ce serait quoi ta plus grande peur, là, tous de suite?

Et sa main quittait les mèches éparse pour se croiser avec sa jumelle sur son ventre plat dans l'attente d'une réponse.

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p'tite tenue kitue ƒ  ma coco, elle me dit qu’elle fera passer le message à ma moitié. ces propos m’arrache un petit sourire dans l’obscurité alors que je sent de fines gouttelettes salées s’écraser contre mes bras. je lance un regard voilé vers cet océan parfois si calme, parfois si brutal. je fait tournoyer le liquide dans sa bouteille et passe ma langue sur mes lèvres histoire d’adoucir cette longue brulure alcoolisée. je ris en écho à ma coco lorsqu’elle glisse son idée de briquet pour qu’on crache du feu. « j’ai un briquet, tu sais. » je lui lance un petit regard amusé en faisant glisser la pierre du briquet entre mes doigts fins. manquerait plus qu’on fasse crever notre bateau de fortune avec nos bêtises qui, je pense, ne serons pas les seules de la nuit.

« oui, ta plus grande peur. » je lui répond calmement en enrichissant mon ivresse avec une énième gorgée de tequila. une légère grimace s’affiche sur mon visage et je replace ma crinière de boucles derrière mes épaules.  ma coco, ma si belle coco, je la voit tourner son visage vers le miens. elle est belle, cette nana, aussi belle qu’une aube dans un pays chaud, lointains, un pays aux épices multiples et aux dialectes doux et ombrés. je souris à mon tour en entendant sa réponse. ses deux moitiés. je comprend que telle soit sa plus grande peur. je pense à la mienne, jouant avec un sachet d’anti-dépresseurs coincé dans l’élastique de mon bas de maillot de bain. « Moi… » je lève les yeux vers le ciel étoilé, splendide, qui semble nous aspirer dans ses profondeurs, se confondant avec celles de l’océan. « j’ai peur d’exister Coco. d’exister, enfin, aux yeux de tous. d’être normale, guérie. » j’entrelace mes doigts dans mes boucles. une peur peu commune, mais réelle et puissante. peur de guérir de tous ces maux, de tous ces malheurs qui font ce que je suis, peur d’être alors que je préfère ne pas être. j’ai toujours aimé cet état second, cet état pittoresque dans lequel j’ai été plongé il y a des années de cela. être humaine, être comme tout le monde, comme madame tout le monde. me lever, aller travailler, manger des fruits et des légumes, aller à l’église ou au temple, rentrer et dormir, puis recommencer, toutes ces choses banales que font les gens normaux. une peur viscérale d’être tout simplement une femme normale. je me complet dans ma luxure et ma gourmandise, je me complet dans mes excès et tout ce qui s’en suit. ces médicaments douteux et vulgaires, me rendant plus fébrile que jamais, ces hallucinations par dizaine, chaque jour que dieu fait. je cligne des yeux et balaye mes propos d’un revers de main. que se passerait-il, si je devenais humaine ?

je change de position et gobe une pastille à la menthe. je ne sais plus à quand remonte mon dernier véritable repas et même de quoi avait-il bien être pu composé. alors je suçote lentement la confiserie et croque dedans avec dégoût. un peu de tequila et tout irait mieux, n’est-ce pas ? « dis ma Colette, racontes-moi ton premier amour. » j’étend mes jambes jusqu’à trouver ses pieds. collant la plante des miens aux siens, bien à plat, de cette façon qu’on les enfants de jouer.

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Gigi.
Elle craignait la vie comme d'autres redoutait leur trépas.
Coco esquissa un sourire face ce à constat fort intéressant.
Et puis, elle se tourna, remontant ses genoux contre sa poitrine, comme une enfant qui viendrait souffler ses confidences, il y avait les lèvres de Gigi qui se mouvaient dans la plus tendre expression de son inexistence - deux pétales roses dessinée par le faisceau de son imagination. Deux courbes charnues, une délicatesse toute féminine, plus brillante que le soleil et qui frappait les iris d'une douceur nouvelle.

▬ Tu seras jamais normale ma Kitty. Toi, t'es magique.  

Sa Gigi, elle avait de la magie jusqu'au bout des doigts. Parce que Coco, lorsqu'elle était là, allongée et ballotée par les vagues, elle se sentait revenir à ces moments orphelins où elle reposait encore dans la chaleur maternelle. Comme une moitié d'une seule unité. Des coeurs jumelles. Tout était tellement plus simple au contact de sa Kitty.
Alors oui Gigi, elle devait forcément être magique.

▬ Et la vie, elle ne pourra jamais t'enlever ça.

Elle exagérait à peine.
Gigi, elle ne pense pas comme tout le monde. Elle est unique comme fille, charmante, captivante, amusante. Elle se fout bien de ce que les gens peuvent dire et vie pour elle même. Et Coco, c'est là tout ce qu'elle appréciait. Les esprits libres, ceux qui ne s'alignent pas sur une pensée unique. Qu'importe le socialement acceptable et les "qu'en dira-t-on". Ce qui comptait réellement était notre développement personnel, physique et spirituel. Il ne fallait alors pas ce soucier de l'opinion commun, mieux valait ignorer ces dictateurs de la bonne conscience. Toujours apte à prêcher la bonne parole sans être capable de l'appliquer. Coco, elle préférait les gens un peu perdu, un peu comme elle. Ceux à la vie toute cabossée qui n'avaient pas peurs d'affirmer qu'ils avaient merdé. Que quelque part dans la matrice, ils avaient échoués. Ceux avec ce côté inconsciemment humble qui ne prétendait pas valoir mieux que d'autre. Ceux là... oui ceux là étaient tout simplement merveilleux. Mais Gigi, elle ne s'y attarda pas. Enjambant leurs terreurs d'enfant pour se concentrer sur des souvenirs bien moins cartésiens: l'amour.
Ah, l'amour.

▬ C'est difficile à dire ma Kitty.

Son premier amour...
Oui – c'était délicat. Coco aimait les corps, les sourires, les mains, les ventres, les reins, les cuisses, les bras, les cous, les dos tout, elle aimait, elle aimait. Elle aimait quand la tendresse des chaires venaient se presser tout contre elle. Elle aimait lorsque la morsure impitoyable des dents se refermaient sur ses lèvre. Mais là, c'était différent. Il s'agissait d'amour, pas de chaire. Il s'agissait d'un coeur qui bat même après l'amour, de son regard qui cherche le sien après leurs départs. Il s'agissait des nerfs qui se tendent puis qui flanchent après une dispute, des coeurs aux supplices lorsque les mots cailloux viennent s'écraser contre leurs visages. Il s'agissait d'un feu tendrement cruelle qu'elle n'avait jamais réellement put regarder en face.

▬ Mon premier amour, il s'appelait Jean. Et Jean...
Jean était étrange, à défaut de meilleur mot. Il me racontait qu’à l’extérieur, certains le disaient méchamment atteint et qu’il n’avait pas de vrais amis.

« Je leur parle, mais c’est comme si on ne venait pas du même monde. Je ne les intéresse pas et ils ne m’intéressent pas non plus. Ce n’est pas de la prétention. C’est juste qu’on n’a rien à s’apprendre. Mais je ne m’y intéresse pas vraiment, parce qu’il me reste les livres. » C'est ce qu'il disait tout le temps. Et des livres, il en avait par centaines qu’il lui apportait en cachette, glissés sous l’épaisseur d’un matelas, au sommet d’une armoire. Cachés dans chaque recoins. Des livres de contes. Des bouts de rêves qui s’étalaient sur des pages et des pages de papier glacés. Des livres qui lui permettait de s'évader de son orphelinat surpeuplé.

▬ Jean, il était comme un livre. Il me faisait l'amour avec la tête dans les étoiles, il parlait toujours avec cet accent du sud,
un bout de soleil dans la grisaille de la capitale. Jean, je l'ai aimé à quinze ans, je l'ai désirée à seize et on a rompu à mes dix sept ans.
Jean, il vendait du rêve. Mais il aimait pas vraiment ce que j'étais.

Une nana à problème. Une nana qui sait pas ce qu'elle veut, qui parfois fou la merde. Coco, elle avait eut mal lorsque Jean était partit. Mais elle ne le regrettait pas. Jean restait l'un de ses plus beaux souvenirs.

▬Et toi ma Kitty? Parles moi de ton amour.

Et elle attendait Coco, son bout d'histoire. Le reflet de son propre mirage.

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p'tite tenue kitue ƒ  plus mon regard se perd dans la profondeur de la nuit, plus mon esprit suit comme un âne stupide. la drogue fait son effet, doucement, à travers celui de l’énorme dose d’anti-dépressifs que j’ai pu gober dans la journée. je suis même pas sûre de survivre, comme d’habitude, chaque jour est un combat que je livre sans avoir le but de le gagner. je me dis que si je crève d’une overdose, ce sera au milieu de l’océan, avec ma coco que j’aime, et une bonne bouteille de tequila des familles. comme quoi, la mort à un arrière goût de mauvaise drogue et d’amour fou. mais d’un certain point de vu, est-ce que je laisserais mon maigre cadavre dans les bras de l’ange déchu en face de moi ? non. je ne lui ferais jamais ça, j’ai peut-être perdu tout respect de moi même mais j’en ai encore pour ceux qui sont chers à mon coeur. alors un vague sourire se dessine sur mes lèvres, balayant mes sombres idées pour écouter la belle voix de coco.

sans elle, je ne sais pas vraiment où j’en serais. sa sagesse fait écho à ma détresse, et elle sait choisir ses mots, petit à petit, à ses côtés, je retrouve le goût d’aimer. le goût de m’aimer. elle a raison : je suis magique. peut-être pas au sens fantastique, mais dans un sens propre à moi-même. alors je ferme les yeux, laissant un fin soupir de soulagement me parcourir. oui, je ne serais jamais normale.

je plis mes orteils sur les siens, jouant des pieds, une main paresseuse sur la surface de l’eau, l’autre portant une fois de plus la bouteille de tequila à mes lèvres. « ce Jean, s’il était atteint, c’est probablement pour ça que tu l’aimais. » j’ouvris les yeux pour parcourir d’un doux regard ma fidèle amie. mon coeur se décomposait à chacune de ses parole, comme si j’étais dans sa peau, perdue dans le passé de son premier amour. « je ne pense pas qu’il n’aimait pas ce que tu étais. je pense juste qu’il avait peur de ce que lui, il était. » les mots s’échappèrent de ma bouche. comment ne pas aimer coco ? mais je comprenais, au fond. « oui, c’est la définition même du premier amour : il ne dure pas mais reste profondément ancré en nous. » un petit rire cristallin et je trinque avec elle. « à Jean. »

puis vint mon tour, parler de mon premier amour. je lève un regard nostalgique vers le ciel étoilé, un sourire sur le bord de mon visage. « l’homme de ma vie. Lenny. il à été le premier dans mon coeur et j’ose espérer qu’il le sera à jamais. mais on connait tous la fin de l’histoire, hein ma coco ? » je retiens une vague de détresse qui me submerge, après tout, je n’allais pas me contredire : le premier amour avait une fin. et Lenny était mon tout, depuis toujours, j’essaierais de ne jamais le perdre mais je nous connais : lui et moi sommes des âmes vagabondes. « J’avais quinze ans aussi quand je l’ai rencontré. on a mis 8 ans à se mettre ensemble. je l’aimais dans mon coin, il était désiré, populaire par son esprit décalé et sa passion infinie pour la folie. » je marque une légère pause en buvant une autre gorgée. « oui, c’est mon Lenny qui a su prendre part à la mienne, de folie. » je reposais la bouteille pour allumer une cigarette et je tirais longuement dessus, laissant une minute de silence s’installer entre nos deux âmes. « il n’est pas la première personne qui m’a fait l’amour. ce garçon là, aussi flous que soient mes souvenirs, il s’appelait James, il venait du même bled que moi : Londres. un dealer beaucoup plus âgé que moi, qui a permis à ma dépendance aux médocs de s’étendre à l’infini. cette nuit-là… » je frissonnais au souvenir de cette fameuse nuit où j’avais changé à jamais, restée perchée après une surdose de LSD à quatorze ans. « c’était terriblement génial. horriblement génial, en fait. mais tu connais mon histoire. » un pâle sourire et j’envois ma cigarette valser dans les flots lugubres. « tu le regrettes, ton jean ? » je plante mon regard dans le siens, curieuse comme jamais. à ce moment là, un bateau qui passait non loin émit une rafale de vagues qui vint bousculer notre rafiot de fortune, tandis que je tentais de garder un minimum d’équilibre, je tombais à l’eau dans un fou rire pure et sans panique.

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Coco, ça glisse brûlant sur sa langue alors qu'elle remue ses pieds contre ceux de Gigi. Ca remue sous son crâne sous le rythme de la houle, ça tournique et ça bourrique alors qu'elle tend une oreille vers sa Kitty. Parce qu'elle aimait les entendre, les maux d'amours. Parce qu'elles en étaient venues à parler de Jean. Jean qui jusqu'à maintenant avait toujours été l'un des nombreux secrets de son existence. Son amant des toits parisiens. Son conteur aux doigts agiles qui aimait l'entendre raconter tout ce qui lui passait par la tête, à Coco. Jean. Son Jean. Elle l'offrait à Gigi comme une offrande, son histoire avec Jean.

▬ Oui, je les aimais ces petites bizarreries. Je l'aimais pour tout ce que les autres détestaient.  

Coco embrassait l'étrange chez les autres comme l'écho de ses propres névroses. Des bouts d'elle qu'elle retrouverait ailleurs que dans ses fréquentes pertes de contrôles. Et Gigi, elle lui offrait quelque chose qu'elle n'aurait même pas soupçonné. Une toute autre vérité, une confession qui l'absoudrait de l'un de ses plus grands regrets. Et si ça n'avait pas été sa faute finalement? Et si elle n'y pouvait rien, au départ de Jean? Et si elle avait raison sa Kitty. Peut être qu'il avait peur de lui même Jean. De ses pensés les plus profondes, de celles qui lui revenaient incessamment, qui ne lui permettait pas d'oublier qu'il n'était pas comme les autres. Qu'il ne serait jamais comme les autres. Mais elle sourit Coco. Elle sourit en se tournant une nouvelle fois vers Gigi, sa bouteille blottit tout contre sa joue.

▬ Jean, parfois j'ai l'impression qu'il a traversé ma vie comme une comète. Mais je garderai toujours un bout de lui dans mon coeur et dans ma tête.

C'était aussi simple que ça.
Alors Coco, elle trinque avec Gigi. A Jean. A son amour brûlant et à ses lèvres pansements. Et puis elle écoute son histoire. Histoire d'un premier amour qui l'enserre encore. D'un coeur éprit d'elle. De Lenny. Sauf qu'un premier amour, c'est éphémère. Ca ne dure pas. Jamais. Il vous embrase toute entière sans que vous ne le remarquiez. Puis retourne à son lit de cendre pour mieux vous obséder. Un premier amour à aussi un goût du dernier. Celui qui vous fait à la fois craindre et espérer que vous n'en connaitriez plus jamais. Mais Coco, elle aime à croire qu'entre eux, ça serait éternel. Que s'il y en a bien deux qui pourraient changer les règles du jeux, c'est Lenny qui s'éteint dans les bras de Gigi. Ou Gigi qui succombe dans les bras de Lenny.

▬ S'il y en a une pour révolutionner la légende du premier amour ma Kitty c'est toi.

Un premier amour éternel, ça sonnait bien. Un instant de flottement. Une seconde où sa vision tangue et se distant jusque dans ses rétines. Un battement de cils où elle a l'impression que le monde change de nuancier, une agitation de son palpitant éprouvé. Un frisson. Un soupire. Et elle y revient Coco, à la première fois de Gigi. A l'horreur d'un beau malheur.

▬ Oui je la connais. Je ne sais toujours pas ce que j'en ferai si je croisais sa route un jour, à ce James.

Surement rien de bon. Surement rien qu'elle ne saurait regretté plus tard. Parce que sans lui, elle ne l'aurait peut être jamais rencontré sa Kitty. Mais elle n'y pouvait rien cette petite blonde, l'homme, même en demeurant un fantôme sans visage, lui restait profondément antipathique. Celui qui avait entaché d'horreur ce qui aurait dût être qu'un pur moment de bonheur. Même si elle les connaissait bien. Ces instants à mi chemin entre le rêve et le cauchemar. Ceux qu'elle ne regrettait pas mais rien qu'à s'en souvenir lui collait des sueurs froides. Une humidité glacé allié à je ne sais trop quoi qui toujours la hanterait. Gigi sa fée chamallow. Elle ne le lui souhaitait pas. Gigi jolie avec ses mots doux. Elle en avait vu bien trop déjà. Gigi sa lumière. Elle l'aimait Coco. Elle l'aimait lorsqu'elle glissait une jambe dans l'eau, aspergeant ses pieds par à coup. Gigi et sa question qui finit à l'eau. Submerger dans un rire d'enfant insouciant, à moitié immergée, moitié submergé. Coco, qui tangue et qui vacille, qui s'accroche à la bouée une seconde avant de plonger. C'est froid, c'est ce qu'un bout d'elle même murmure alors qu'elle passe ses bras autour de Gigi. C'est froid et ça attire. C'est glacé contre ses peau, désagréable contre ses yeux grands ouverts sur Gigi qu'elle soutient, moitié riante, moitié coulant. Il faut se rapprocher du bateau. C'est ce qu'elle voudrait dire. Mais elle rit Coco. Rire artificiel. Rire qui surnage comme elle qui bat des jambes en soutenant sa Gigi. Rire qui ne s'éteint pas. Jamais.

drink it up.
p'tite tenue kitue ƒ La haine de ma Coco envers l’homme qui a rendu ma vie si anormale se fait entendre. Je lui lance un regard lourd de sous-entendus. Heureusement qu’elle est là, ma Coco, parce que dieu seul sait que je ne connais pas le mot vengeance, que je n’y arriverais pas, que tout ça c’est trop pour moi. J’ai déjà un talent fou pour m’auto-détruire mais qu’est-ce que ce serait si je me mettais à détruire les autres ? Non. Jamais. Je préfère éloigner cette idée de mon esprit que la folie frôle.

Puis les abysses. Froides, profondes et particulièrement sombres. Tout est si calme là-dessous que je noie mon rire encore plus profond sans le moindre effort pour revenir à la surface. S’il y a bien une chose qui ne me fait pas peur, c’est ça. Alors je reste plus sereine que jamais, entendant une vague valse au fond de mon âme, peut-être le surplus de médicaments, alors je continue à rire encore et encore. Je sens des bras qui s’enroulent autour de ma taille. Si c’est ça la mort, elle est sacrément douce. Mais non, c’est ma Coco, elle me tire vers le haut. Alors je reprend légèrement conscience. merde… j’étais tellement loin dans mon plane que je me laissais tuer à petit feu, sereinement qui plus est.

Pourtant j’émerge aux côtés de ma belle, dans un rire qui déchire la nuit et qui ferait presque frémir l’océan qui nous entoure. Je vois que ma coco lutte pour me tenir alors je fournis un effort sur-humain pour nous tirer vers notre bateau de fortune. Je finis par en attraper un bout et le ramène vers coco pour qu’elle s’y accroche. « Putin… Coco…. C’est n’importe quoi…. » Je déclarai entre deux rires. Je tentai de me hisser dans l’embarcation et aidais Coco en retour. Attrapant une immense serviette en coton, je me glisse dedans aux côtés de ma belle. Faut dire qu’elle et moi, on est tellement fines qu’on rentrerait dans la même paire de jeans. Lovés dans notre serviette immense, j’essaie de respirer, je manque d’air. La baignade glacée avait comme atténué tous les effets des drogues, et je panique. Non, je ne peux pas redescendre, jamais. Jamais. Alors je m’empare de la tequila et en bois une longue lampée avant de la tendre à Coco. « ça va ma coco ? » Je demande d’une toute petite voix, cherchant à tâton un paquet de clope remplis de joints. Parce que je ne dois surtout pas redescendre, ce serait mortel. J’en prend un que j’allume, mes doigts humides glissants sur la pierre du briquet. Tremblante à cause du froid, ou de la drogue, je tire une longue latte et me laisse aller contre coco.