New rules - Jonah

Je rentre du hockey en pensant à la super soirée que je vais passer en tête à tête avec mon lit, première depuis un peu plus d'un mois et demi maintenant. Entre Ji Eun, les cours, le hockey, la radio, les SAJA, le reste des personnes faisant partie de mon cercle d'amis et surtout ce gros con d'Andreas et ses vieux plans à la con, j'ai pas eu une minute pour souffler, encore moins une bonne nuit de sommeil. En parlant d'Andreas, je me rends compte qu'il squatte ma chambre dès que j'arrive sur le palier : il a laissé la porte ouverte et il est visiblement en train de rire devant un porn. Sur mon PC, sur mon lit. Je souffle un coup en poussant la porte. Le bruit attire son regard fouineur et un sourire éclaire son visage débile. Yo gros, j'ai un plan ce soir.

Et voilà comment j'me suis encore laissé trainer dans un de ses plans foireux, le sourire aux lèvres. Il m'a lâché après avoir fait environ deux pas dans la boite et je l'ai plus revu. Donc j'ai dansé un peu puis je me suis calé au bar, sirotant un whisky coca tranquillement, attendant le retour de mon pote. Ca aurait pu être une bonne soirée. De la bonne musique, de l'alcool, danser un peu, rire beaucoup. Mais voilà, y avait des filles, plein de filles partout. Et y en avait déjà beaucoup trop qui essayaient de me draguer. Genre, être là au bar, entouré d'un groupe de trois filles qui pouffent dès que j'ouvre la bouche, ça m'plait pas trop.
Non pas que je sois timide ou quoi que ce soit, juste que j'arrête pas de penser à Ji Eun. J'ai pas envie de lui faire de mal, surtout pas pour ce genre de meufs. Non mais vous fatiguez pas les filles, je suis en couple. Nouvel éclat de rire, elles m'croient pas. Elles s'en foutent. Elles veulent ma bite quoi. Alors que j'arrête pas de les rembarrer. Les meufs sont vraiment cheloues. Je cherche une échappatoire, n'importe laquelle. Mon cerveau bouillonne, alcoolisé et faible, quand soudain me vient l'idée. De génie, saugrenue, le genre d'idée qui pourrait pas me venir sobre, l'idée du siècle. Mon regard vient de tomber sur son visage, doux et féminin. Un mec, il passera à notre hauteur dans environ trois secondes. Cas d'conscience. J'fais quoi ? 2. Merde, où est passé ce mec téméraire qui allait se percher sur des grues sans protections ? Mon cerveau n'a pas vraiment le temps d'analyser la situation, de peser les pour et les contre, de se rendre compte de sa propre connerie, que ma bouche sort déjà l'plus gros mytho de ma life. 1. J'vous jure ! Regardez, c'est mon mec là, qu'arrive. 0. J'attrape la manche du mec qui ne faisait que passer innocemment et l'attire fortement vers moi. Il vacille sous le coup de la surprise et finit les lèvres plaquées contre les miennes, ma main contre sa nuque. Mon coeur se met à battre furieusement et des signaux lumineux s'allument enfin dans mon cerveau. Tu-fous-quoi-mec ? J'ouvre un oeil pour constater le départ des filles, déçues, et j'écarte délicatement mes lèvres des siennes en soufflant de soulagement. Il serait peut-être temps de s'excuser, mais j'préfère attendre la droite du mec en silence.

ça va pas de faire ça.. c'est pas bien. il faut me laisser tranquille. Je le regarde incrédule tandis qu'il me frappe le torse de ses poings fragiles. Je comprends pas tout de suite ce qu'il se passe, je reste sonné pendant un instant. Et hausse un sourcil. C'est quoi ce type ? tu te prends pour qui pour agir ainsi ? tu penses réellement que parce que tu as une belle gueule, tu peux tout te permettre ? Il essuie ses lèvres avec sa manche, comme si j'avais la gale et j'peux pas m'empêcher de sourire. Y a une couille dans l'potage. Ah, tu m'trouves beau alors ? Hé, te fâches pas gros, j'voulais juste éloigner le banc de filles qui m'collait au cul. Puis j'suis pas gay en plus. Je lâches un petit rire satisfait. Même les mecs me trouvent canon maintenant, c'est bien. Je lui pose la main sur l'épaule comme si c'était mon pote depuis des années. Hé, te fâches pas gros, j'voulais juste éloigner le banc de filles qui m'collait au cul. Puis j'suis pas gay en plus. Je me rends compte un peu trop tard, alors que les mots dégoulinent de mes lèvres, que c'est avouer que je l'ai utilisé. Que c'est lui dire qu'il est qu'une grosse merde qui passait par là au moment ou m'sieur Sang Rae avait besoin d'une diversion. Plus je le regarde, plus je capte qu'il a pas l'air bien l'pauvre. Non pas que je m'inquiète pour lui ou quoi, juste que je me sens redevable, puisqu'il m'a sorti d'un mauvais pas, j'devrais au moins proposer mon aide. Même s'il m'a pas aidé en connaissance de cause. Désolé. Pour le- Tu sais. Le bisou volé. Assieds-toi, j'te paie un verre. Mais t'sais, en pote hein. Je le scrute avec insistance, le force à s'asseoir à côté de moi avec la main que j'avais posée sur son épaule et commande deux cocktails random au barman. T'as pas l'air dans ton assiette. T'as trop bu ? Généralement pour ça que les gens étaient pas bien en boite. Au pire j'pourrais m'enfiler le double cocktail avec plaisir.

je veux rien. je veux pas de toi. Son air renfrogné et triste me fait le même effet que celui d'un gosse à qui j'aurais volé son goûter et j'peux pas m'empêcher de sourire un peu niaisement sous cape. Je savais pas que j'pouvais faire un effet pareil à des mecs pour être honnête. J'en avais jamais embrassé avant et j'avais jamais eu l'idée que certains puissent être aussi fragiles que celui-ci. Même Agapé était viril à côté. Je le vois bouger les lèvres et je blanchis un peu. C'est quoi ce malade, il essaie de me marabouter ou quoi ? Il évite mon regard et continue sa litanie bizarroïde alors je m'approche, beaucoup trop près, brisant à nouveaux les règles de la bienséance, empiétant sur son espace personnel, son intimité, sans l'embrasser cette fois par contre. Quand même. J'écoute juste son invocation quelques secondes. HaruHaruHaruHaruHaru. Je fronce les sourcils en me demandant si c'est un nom de pokémon ou un truc dans l'genre avant de hausser les épaules et de reprendre ma place, à une distance raisonnable de sa personne. j'ai rien bu. je veux rien boire. je veux même pas de toi. J'entame tranquillement mon verre en le regardant, incrédule. C'est clair que ce mec a un souci. Il devient plus sûr de lui à mesure qu'il martèle chaque mot de sa phrase, histoire que ça imprègne bien mon esprit, surement. Pas de chance, moi mon cerveau, c'est une éponge, y a des p'tits trous partout. J'ouvre la bouche comme un idiot, sans savoir quoi dire. A défaut de trouver les mots, j'finis mon verre cul sec.  Ca m'troue le cul que tu dises ça. Personne refuse un verre en boîte, pourquoi t'es là si c'est pas pour t'amuser, tranquille ?
Moi j'accompagne juste un pote, c'est pour ça que les filles m'emmerdaient. J'ai une copine donc j'voulais pas la trahir. Mais avec toi c'est bon, t'es un mec. Comme si ça expliquait tout. J'enfonce bien le clou, et à en voir les yeux brillants du gars j'crois qu'il va fondre en larmes.

Je finis enfin par me prendre ce que je mérite. Ce petit coup de poing faiblard contre ma figure semble me faire reprendre mes esprits pendant un instant. J'esquisse une moue surprise et me frotte la mâchoire. pauvre con.. tu te crois mâlin d'avoir agis comme tu l'as fais ? tu penses réellement que ça fait de toi l'homme le plus intelligent de ce pays ?! J'ouvre la bouche pour répliquer mais il enchaine déjà en me renversant l'intégralité du verre que je viens de lui payer sur la tête. c'est quoi ton putain de problème ? à chaque fois que t'auras un troupeau de nana tu vas clairement violer les lèvres d'un mec ? t'es pas capable de te démerder tout seul comme un grand ?! Je me frotte les yeux, la tristesse me serrant soudainement l'coeur. J'suis incapable de faire quoi que ce soit de bien ou de correct. Il a raison, j'peux pas m'occuper de moi tout seul, j'suis toujours obligé d'embarquer du monde dans mes plans foireux, sans leur demander leur avis. Et j'suis toujours en train d'embrasser sans permission. J'me suis déjà pris l'une des pire raclées de ma vie comme ça. Par une fille. Ouais. Il se lève, je vois plus que la colère sur son visage poupin. Il me hait et il est blessé, c'est clair. Je m'essuie le visage avec ma manche à moitié trempée et me lève à mon tour pour le rattraper. Hé. Je le tire en arrière même si au fond j'sais pas trop quoi dire. Faut pas l'prendre comme ça. J'voulais pas t'emmerder. Restes, je vais partir. Je lâche comme s'il m'avait brûlé et je tourne les talon pour partir avant de m'arrêter subitement. Je lève les yeux au ciel. J'devrais faire ça. J'devrais clairement faire ça si j'étais un mec bien. Je me retourne à moitié, juste assez pour qu'il puisse m'entendre, puis j'murmure mon mot, pas assez fort pour qu'il puisse bien l'comprendre.Pardon. Le mot d'la honte, qui veut dire qu'on a fait un truc de mal. Qui veut dire qu'on le sait.