horror story ϟ siwan

Coco.
Dans le pénombre, ses grands yeux bruns balayèrent l'édifice, comme si, dans un bête coup d'espoir, celui-ci serait amené à disparaître, emportant avec lui ses fenêtres défoncés et ses murs fissurés. Elle avait doucement froncée les sourcils, dépitée malgré elle. Alors elle avança les lèvres en une petite moue boudeuse, comme une enfant à qui on refuserait son plus beau jouet. Elle se sentit puéril, c'était un peu idiot, un peu irrationnelle, cette tendre frayeur qu'elle entretenait envers les spectres et les esprits vengeurs. Coco fit la moue et maugréa tout bas. On la regardait avec indulgence maintenant, avec cette attention moqueuse qu'on accorde aux faibles ou au dernier des pleutres. Elle ravala sa mauvaise humeur et croisa ses bras sous sa poitrine, exaspérée. Puis elle leva les yeux au ciel et se mordit la lèvre, en meurtrissant sa chaire rosée du bout des dents. Prise entre deux feux, elle hésita un moment. Elle mourrait d'envie de s'en aller, de tourner les talons, sans une parole de plus ou un regard. Regagner la fête qui battait son plein sur les berges de la rivière, danser contre un corps chaud ou s'épanouir sous le frétillement de l'eau. Elle voulait prendre un verre, apprécier la morsure brûlante de la vodka ou le mordant ardent de la tequila. Un sourire ironique dans le pénombre naissant. Elle pourrait. Oh oui elle pourrait. L'idée même animait cet éclat doucereux dans le creux de son regard.
Elle s'étira allègrement, le bout des doigts tendu vers le firmament.

▬ C'est mort. Je ne rentre pas dans cette merde foutez moi la paix.
▬ Allez Hogan, tu vas quand même pas nous dire que t'as la trouille d'aller au dernier étage? Au pire emmènes ton pote avec toi.

Siwan?
Vraiment?
Elle resta là pourtant, immobile, comme un suspend. Le regard songeur posé sur le visage de son accompagnateur.
Elle lui livrait beaucoup de chose à Siwan Coco, le poids de son cynisme et la douceur de ses taquineries les plus pénibles. Mais pas le ridicule de ses terreurs infantiles. Ça, jamais. Un sourire embrasa ses lèvre pleines. Un sourire un peu trop faux. Un pli amer de la chaire. Elle tourna les talons, faisant face à un portail rouillé. Branlant. Peu accueillant. Devrait-elle mettre autre chose que le haut de son ami qui dissimulait à peine les couleurs chatoyantes de son maillot de bain encore humide? Elle imaginait l'exploration d'un hôpital hanté moins léger et mieux armée, mais après tout, ce n'est pas comme si elle pourrait réellement faire quelque chose si un fantôme décidait soudainement de la décapiter. Non. Foutre que non. Elle voulait vivre Coco, pas crever la bouche ouverte.

▬ Hors de question. Je suis trop jeune pour mourir.
Je rentrerai pas là dedans. Never ever les mecs. Fuck you all.
▬ On te paye l'équivalent de ton âge en pack de bière.

On aurait put s'attendre qu'une promesse aussi futile soit aussitôt éconduite. Après tout, qui se laisserait attendrir par une montagne d'alcool lorsque quelque chose d'aussi sacré que sa vie était mit en jeu? Visiblement, Coco n'était pas aussi à cheval sur ce genre de considération. Parce que déjà elle enfilait les vans abandonnées à ses pieds, repoussant le barrage d'un geste ample, et arpentait l'allée en grandes enjambées cadencées.

▬ Elles ont intérêts à être bonnes vos putains de bières!

Ah Coco, elle était bien faible lorsqu'on jouait sur la corde de son péché mignon. De surcroît lorsqu'elle s'était enfilée quelques joints un peu plus tôt.

▬ Et oh les gars, oubliez pas de filmer!

Il avait hurlé ces quelques mots, en appuyant tout particulièrement sur le dernier, l’œil brillant, avant d'aspirer une dernière bouffée du joint blottit entre ses doigts. Coco sourit de toutes ses dents. Avant de lever son majeur à son intention. Son of bitch.

Sérieusement, il ne savait pas qui avait eu l’idée splendide de se ramener dans un coin aussi sinistre et paumé. Le jeune étudiant se demandait encore ce qu’il foutait alors qu’il regardait autour de lui en soupirant de lassitude. Les deux autres gars présents semblaient avoir envie de pousser Coco à entrer dans cet hôpital dégueulasse. Siwan n’était pas vraiment croyant par rapport aux fantômes mais Dieu sait ce qu’il pouvait trouver dans cet endroit de malheure : des cadavres, des meurtriers, des animaux morts… Bref, tout ce qu’il n’a pas envie de découvrir. Il releva la tête d’un coup quand il entendit qu’on parlait de lui. Il fronça les sourcils alors qu’il avait bien compris que ces deux grands cons ont réussi à l’amadouer avec de la bière. Siwan aurait demandé du Soju ou encore de l’alcool fort pour y aller mais nan… De la bière, ça lui suffisait à elle. Un soupire sortit de ses lèvres alors qu’il s’avançait derrière elle en direction de cet endroit flippant. « Ferme ta gueule ! » hurla-t-il alors qu’il s’avançait pour entrer dans cette demeure. Il valait peut-être mieux filmer en effet, au cas où ils mourraient ; un dernier souvenir, juste pour le plaisir de la famille. « Sérieusement, pour de la bière t’es capable d’entrer dans cette demeure puante. T’as vraiment des goûts de mendiante Coco. » dit-il en plissant du nez alors qu’il mettait en route le mode vidéo et flash de son téléphone. Ouais, hors de question qu’ils avancent dans le noir. Il voit que dalle et il n’aime pas ça, Dieu sait ce qu’il peut toucher avec son pied.

Ah Siwan, il était tout ce que les lecteurs assidus de fiction aimaient et tout ce que son entourage détestait. Du sarcasme à n'en plus pouvoir et du mépris qui suintait à chacun de ses mots comme un festival. Pourtant Siwan, il avait aussi ses bons côtés. Ceux qu'elle ne se contentait pas d'imaginer et qui au fil du temps passé avec lui se révélaient. Car après tout, quoi qu'elle en dise, il n'avait pas hésité une seule seconde avant de l'accompagner. Marque de courage ou d'inconscience qu'elle ponctua d'un énième élévation de son majeur à son attention, un sourire insolent jouant sur ses lèvres.
Mendiante hein, il n'y avait que lui pour sortir ce genre de chose.

▬ Ecrases, au final tu me suis pour moins que ça.

Soit rien. Mais ce n'est pas elle qui viendrait s'en plaindre. L'endroit puait l'humidité et les tags ensanglanté côtoyaient gaiement les fenêtres défoncés. Et elle ne saurait dire si c'était un délicat mélange de champignon et de boue humide qui s'accrochait à ses semelles ou si, tout au contraire, l'immonde bouillie noirâtre relevait en vérité d'une quelconque immondice dont elle ne voulait pas connaitre l'origine. Cruel dilemme. Quelle laissait volontiers aux aléas du destin.

▬ Mais merde, qu'est ce que ça pue.

Elle tira son portable du côté de son bas et alluma sa propre lampe torche, traversant ce qui avait dû être le hall de l'établissement. Ce n'est pas tout, mais ils avaient un foutu escalier à trouver.

Siwan se demandait encore ce qui lui avait pris de la suivre dans cet hôpital abandonné. Certes, il se voyait mal la laisser vagabonder dans ses yeux sinistres seule, mais il aurait mieux fait de la retenir simplement. Surtout qu’elle y allait pour des packs de bière, ça aurait été pour de l’alcool fort pourquoi pas mais là…  « Je me demande encore pourquoi je te suis tiens ! » dit-il en grommelant dans sa barbe alors qu’il avait mis sa vidéo en route avec le flash pour tout garder en poche. Le regard du jeune sportif se posa partout autour de lui et Dieu sait que l’endroit était horrible. Il marchait sur un sol collant qui sûrement était tout sauf clean. « C’est qu’une euphémisme. » dit-il en soupirant. Il trouva finalement une porte à moitié ouverte où il y avait des escaliers juste derrière. « Il y a des escaliers qui montent et qui descendent ici. » dit-il en ouvrant un peu plus la porte avec son coude couvert par sa veste, hors de question qu’il touche à cette merde. « J’imagine que t’as dans l’idée d’aller faire un petit tour dans les sous-sols de l’hôpital. Il y a sûrement des pièces lugubres où ils faisaient des expériences sur les malades. » dit-il avec un sourire au coin alors qu’il passa le premier dans ses escaliers, éclairant chaque recoin de la cage pour être sûr qu’il n’y avait rien de bizarre.

Pourquoi. C'est vraie cela, pourquoi? Pourquoi l'avait-il suivit, pourquoi s'était-elle laissée convaincre pour si peu, pourquoi ne l'avait-il pas retenue, pourquoi avait-il fallut que leur fête se déroule dans cet endroit à la sinistre réputation? Oui Siwan, il pourrait en poser des milles et des cents, des "pourquoi". Mais la réponse demeurerait inchangé, peu importe la manière qu'il aurait de le formuler: Parce que. Parce que Coco, parce que Siwan, parce que la vie, parce que la mort, parce que l'alcool, parce que l'ivresse. Coco était une créature profondément irrationnelle, en théorie. Et elle finissait systématiquement par l'entrainer dans tous un tas d'ennuis.

▬ Parce qu'au fond de toi tu m'adores honey.

Et puis sourit. Coco, elle lui tire la langue en suivant ses pas et le laisse volontiers prendre la tête de leur expédition. Ainsi, elle ne voyait que son dos. Une longue étendue de chaire pale dont le jeu de muscle la rassurait bien plus qu'elle ne s'aventurerait à l'admettre.

▬ Mon plan consistait surtout à grimper. Tu sais,
histoire d'en finir le plus vite possible.

Mais déjà Siwan s'avançait, s'enfonçant d'avantage dans ce trou puant qu'elle apprenait lentement mais surement à exécrer. Coco, elle pousse un long soupire de dépit en marchant sa suite, sa lampe torche focalisé sur les marches qu'elle effleurait du bout de ses chaussures. Jusqu'à ce léger geignement, bruit indistinct à mi chemin entre le grincement de porte et le gémissement désespéré qui lui hérissa les poils. Il ne lui en fallut pas plus pour attraper le poignet de son ami et soudainement relever son visage.

▬ T'as entendu ça?

Et pour une fois, elle espérait de tout coeur qu'il viendrait purement et simplement se foutre de sa gueule.

Ouais, s’il était là, c’est parce qu’il aimait particulièrement son amie. Il ne l’aurait jamais suivi sinon. Il eut un léger sourire au coin alors qu’il secouait la tête doucement, regardant autour de lui avec attention. On ne sait jamais, si un fantôme sort de l’un des murs pour leur sauter à la gorge… who knows. Enfin, il était tout de même l’homme de la situation et se devait de prendre les devants. « ton pote ne nous lâchera pas tant qu’on aura pas un truc de gros, les sous-sols semblent le meilleur endroit pour avoir ce truc énorme. » dit-il avec un sourire au coin. Il préféra descendre le premier, éclairant chaque recoin de la petite cage d’escalier. Au fond, Siwan sentait que cet endroit faisait flipper à cause de l’ambiance et non à cause d’une quelconque présence. Il se retourna vers Coco quand elle commença à flipper à cause d’un bruit. Il lève les yeux au ciel avant de soupirer, passant une main dans le dos de son amie. « C’est sûrement un rat ou une souris, cet endroit n’appartient plus aux humains mais bien aux petits rongeurs. » dit-il avec un sourire au coin moqueur. Il lui prit la main et l’incita à avancer dans la direction opposée du bruit pour ne pas la faire flipper, un peu plus. « Allons là-bas » dit-il en voyant une porte légèrement entrouverte. N’empêche que Siwan se demandait encore pourquoi cet hôpital avait fermé.

Elle soupire la demoiselle.
Elle soupire parce qu'elle sait pertinemment que Siwan marque un point. Bo Gum était et resterait à tout jamais un adorable fils de pute. S'ils revenaient avec une vidéo vierge de tout élément un tant soit peu creepy, ils en entendraient parlés jusqu'à la prochaine guerre de Corée. Mais tout d'un coup, Bo Gum et ses remarques à la con devinrent le cadet de ses préoccupations. Parce qu'il y a son imagination qui s'emballe. Parce que toutes les histoires et tous les films horrifiques qu'elle se tapait à longueur de temps lui revinrent tout d'un coup à l'esprit.  Et lorsque Siwan déni, lorsqu'il la rassure avec un apport logique. Elle acquiesce avec vigueur sans chercher à protester, se laissant obligeamment rassurer. L'un dans l'autre, il aurait put lui jurer qu'il s'agissait de l'entrainement de Franklin la tortue qui sait compter deux par deux et lacer ses chaussures qu'elle aurait acquiescer tout pareil. Elle s'en foutait Coco. Tout plutôt qu'un esprit allait devenir sa seule ligne de conduite.

▬ Des rongeurs oui. Cet endroit est remplit de foutus rongeurs.

L'idée lui plaisait. Et elle ne l'en aima que d'avantage lorsqu'il l'éloigna du bruit suspect, s'arrêtant face à une porte entrouverte. La jeune fille la poussa du pied, dirigeant le faisceau de son téléphone dans la pièce. Celle ci n'était pas vraiment meublés, tout juste contenait-elle quelques étagères rouillée et des instruments médicaux à moitié brisé.  Mais ce qui retient son attention, furent les inscriptions sur le mur du fond, une succession d'hanguls à moitié effacée que sa maitrise précaire des caractères coréens peinait déchiffré.

▬ T'arrives à lire toi?

Un pas après l'autre, elle s'avança dans la pièce. Et à peine en eurent-ils atteints le centre que la porte se referma derrière eux.

Cet hôpital abandonné était tout de même bien flippant. Il faut dire que l’heure était tout de même propice aux esprits et aux bruits étranges. La preuve, Coco semblait totalement flippé à cause d’un bruit venu de nulle part. Siwan ne pouvait s’empêcher de la rassurer en lui disant que c’était sûrement des rongeurs car clairement, cet endroit était sûrement plus habité par ces fichus bêtes plutôt que par des humains depuis le temps. « Bien sûr, les rongeurs ont pris le pouvoir dans ces lieux. » Ils ne sont que des touristes à leurs yeux, ou alors, ils sont juste des intrus et ça peut terminer en film d’horreur. Leurs cadavres seront retrouvés bouffé par les rats. Pas mal le film d’horreur, il aurait dû y penser plus tôt. La porte en vue, ce fut Coco qui l’ouvrit d’un coup de pied alors que Siwan la suivait à l’intérieur. Il regarde autour de lui et se concentra finalement sur les écritures en rouge. On pourrait presque croire que c’est du sang. « On dirait du sang, c’est bizarre car la moitié des mots sont effacés… ça dit : Prenez garde… » Siwan sursauta d’un coup quand la porte claqua derrière eux, il mit sa main sur son cœur avant de soupirer, essayant de reprendre un rythme normal. « Putain sa mère » dit-il en fermant les yeux doucement. Il fit un tour de la pièce avec la lumière de sa vidéo pour voir ce qui se passait dans la salle. Et putain, ça faisait flipper.

Force était de constater que nos amis les rongeurs faisaient bien des choses aujourd'hui. Ils pouvaient faire des bruits étranges et refermer des portes. Tout ce qu'il fallait pour dynamiser votre sortie en famille magico-horrifique. Coco, elle eut un rire. Un rire de travers, un rire qu'on envoyait par terre, un peu pour faire beau, un peu pour avoir les idées clairs. Un rire malaisé et malaisant qu'on aurait volontiers remplacé par un cri.

▬ Putain de merde.

C'était merveilleusement ironique. Tant et bien qu'elle aurait put à nouveau en rire, mais le son restait coincé dans sa gorge, obligeamment retenu par un étau invisible qui lui comprimait la poitrine. L'air était glacé. Et bordel, elle ne désirait rien de plus que rentrée. Sortir de cette pièce aux murs souillés où les tags et autres messages réjouissants s'alignaient sans nul doute dans un avertissement des plus explicites.

▬ Barrons nous d'ici.

Oui. Qu'ils se tirent au plus vite et qu'importe si l'autre emmerdeur leurs cassaient les pieds jusqu'à la centième génération. Là, tous de suite, Coco s'en foutait. Elle ne songeait à rien d'autre qu'à sa seule survie. C'est pour cela qu'elle se tourna vers la porte et la poussa de toutes ses forces. Sans jamais parvenir à l'ouvrir.

C’était quoi ce bordel ? Siwan regardait autour de lui sans comprendre alors que les écritures contre le mur semblaient si réelles. Ce n’était pas récent, disons que ça avait pris le temps de sécher entre temps. Le jeune sportif n’aurait pas spécialement voulu aller dans cet endroit de malheur, mais il était certain qu’il voulait se barrer maintenant. La température semblait avoir chuté et le corps de Siwan semblait se mettre à jouer des claquettes entre eux. « C’est moi, où la température à chuter ici ? » demanda-t-il d’une petite voix alors qu’il se retournait vers Coco qui semblait vouloir ouvrir la porte mais pas moyen. Il prit une grande bouffée et commença à éclairer la pièce pour voir une autre porte au fond de la salle. Il s’y approcha, non sans peur et poussa pour l’ouvrir –elle ne résista pas. « Par ici » dit-il en passant déjà la porte. Il se retrouvait dans un nouveau couloir qui semblait beaucoup moins dégueulasse que les précédents. Comme si, celui-ci était encore utilisé alors que l’hôpital est censé être abandonné. « Si c’est pas putain d’étrange… On dirait que ces écritures de sang empêchait qui conque d’entrer dans cette partie de l’hôpital » dit-il en fronçant les sourcils. Il y a peut-être encore des expériences chelou dans cet hôpital et ils seront les prochains sujets.